Ce ne sont que quelques phrases lâchées par Bill Gerstenmaier, responsable des vols habités à la Nasa, lors d’un meeting sur la propulsion spatiale. Mais elles ont produit leur onde de choc dans le petit monde du spatial. Après un exposé sur les objectifs de l’agence américaine, il répondait à une question sur le calendrier possible d’une mission humaine vers Mars. Il a dit le plus naturellement du monde (à voir à partir de la 31e minute sur la vidéo) :
Je ne peux donner une date pour des humains sur Mars.
Et Bill Gerstenmaier de préciser :
Aux niveaux de budget que nous avons décrits, en gros 2% d’augmentation, nous n’avons pas d’infrastructures disponibles pour aller sur Mars.
Cela, les observateurs attentifs le savaient déjà. Mais le fait que le patron de l’exploration spatiale humaine l’avoue ouvertement constitue un fait sans précédent. En effet, depuis que les États-Unis ont réussi à envoyer des astronautes sur la Lune, en 1969, la planète Mars est restée leur chasse gardée.
Maints projets ont été annoncés pour « dans 25 ans ». Et même si aucun n’a connu de début de développement, la Nasa avait toujours veillé à conserver son leadership sur la planète rouge, au moins en termes de communication. Dans ce contexte, la déclaration de Bill Gernsteinmaier apparaît comme un renoncement.
Dans cette déclaration, la question du budget est centrale. La mise au point de la fusée géante SLS (Space Launch System) et du vaisseau Orion a pris du retard et occasionné des surcoûts. De plus, chaque lancement, à un milliard de dollars, serait espacé d'un an après les deux premier vols d'essai, en 2019 et 2022.
Les raisons d’un renoncement
Au point qu’il n’a jamais été possible pour la Nasa d’engager d’autres dépenses pour la conception de vaisseaux de transfert vers Mars, d’habitats de surface, de modules de support et surtout d’un module d’atterrissage.
Sur ce dernier point, les difficultés sont aussi techniques. Bill Gerstenmaier les a d’ailleurs commentées :
L’entrée [NDLR : dans l’atmosphère martienne], la descente et l’atterrissage sur Mars est un défi énorme.
Il a ajouté un peu plus loin que la rétropropulsion hypersonique nécessaire pour se poser sur la planète rouge, à mettre en œuvre sur des vaisseaux d’au moins 20 tonnes, était loin d’être acquise.
Dans l’exposé d’une vingtaine de minutes qui a précédé sa déclaration, Bill Gerstenmaier avait détaillé les plans de la Nasa pour les deux prochaines décennies. Et ceux-ci officialisaient le passage autour, voire sur la Lune dans le courant des années 2020, bien après les promesses impossibles du patron de SpaceX, Elon Musk.
L’orbite martienne reste un objectif de la Nasa pour les années 2030, là encore bien après les dates irréalistes annoncées par SpaceX… Quant au premier pas sur la planète, il était repoussé au-delà, sans date approximative.
La Lune à la place
Dans sa présentation, Bill Gerstenmaier a rappelé le nom de station orbitale lunaire qui avait été annoncée dès le mois de mars 2017 : Deep Space Gateway (porte vers l’espace profond). Et avant son renoncement martien, il a préparé le terrain en indiquant :
Nous avons la capacité, avec la Deep Space Gateway, de soutenir un programme approfondi sur la surface lunaire.
Autrement dit, la station circumlunaire permettrait une exploration robot et humaine de la Lune. En précisant que l’environnement lunaire constituerait une étape intéressante (moins chère et moins risquée) sur la route des explorations plus lointaines, Bill Gernsteinmaier a gardé entrouverte la porte vers Mars. Mais sans aucune réelle conviction et avec un réalisme qui remet bien en perspective les plans d'Elon Musk pour coloniser le Système solaire...
Nouveau projet international ?
Si se poser sur Mars est trop cher par rapport au budget de la Nasa, n’est-ce pas aussi le cas d’une exploration de la Lune ? Atterrisseurs, habitats et rovers seraient aussi à développer dans une telle hypothèse.
Finalement, la Nasa pourrait bien être en train de répondre favorablement à la proposition du directeur général de l’ESA (Agence spatiale européenne) de fonder un « village lunaire », sorte de coopération internationale autour de la Lune pour succéder à la station spatiale internationale qui, au-delà de 2025, pourrait être abandonnée.
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