Voyager 1 : sortie du Système solaire… ou pas ?

Vue d'artiste de la sonde Voyager 1. Crédit : D. Florentz/Ciel et Espace Photos

Le 12 septembre 2013, la Nasa a une nouvelle fois annoncé que sa sonde Voyager 1 était sortie de la sphère d'influence du Soleil. Est-ce la bonne ?

L'engin lancé le 5 septembre 1977 en direction de Jupiter et de Saturne est maintenant très loin du Soleil : un peu plus de 17 heures-lumière, soit presque 19 milliards de km. Seuls quatre de ses instruments sont toujours en activité ; ils permettent de mesurer les rayons cosmiques, le champ magnétique et les particules chargées de basse énergie. Or, c'est en mesurant la quantité de particules chargées qui circulent autour de la sonde qu'une équipe de scientifiques américains conclut dans la revue Science que l'engin est sorti de la sphère d'influence magnétique du Soleil.

Ce résultat a été possible grâce à une puissante éruption solaire survenue en mars 2012 : les particules éjectées ont atteint Voyager 1 13 mois plus tard, en avril 2013. Elles ont fait osciller les particules ambiantes (aussi appelées plasma) autour de la sonde. Ce sont les oscillations perçues par les détecteurs de la sonde qui ont permis de mesurer la densité du milieu : 40 fois supérieure à ce qui avait été observé plus près du Soleil bien des années auparavant.
Pour les chercheurs, c'est le signe que Voyager 1 vogue hors de la sphère d'influence du Soleil.

Eléments contradictoires

Pour autant l'équipe qui publie ce résultat n'affirme pas que cela constitue une preuve définitive. Plusieurs éléments imposent de relativiser.

1/ La densité de plasma dans le milieu interstellaire n'est qu'estimée. Personne n'a jamais pu la mesurer. Les scientifiques supposent qu'elle est supérieure à celle du plasma du Système solaire mais sans certitude. Par ailleurs, certains scientifiques calculent que l'on peut avoir une telle densité à l'intérieur de l'héliopause (la dernière limite avec le milieu interstellaire). Le premier instrument susceptible de le confirmer, c'est celui de Voyager 1. Peut-être est-ce le cas avec les données d'avril 2013 mais ce n'est pas certain.

2/ Les magnétomètres de Voyager 1, indiquent toujours la même orientation du champ magnétique avec un renforcement de ce champ. Jusqu'ici, cette orientation obéissait aux lignes du champ magnétique du Soleil. Si Voyager 1 était sortie les lignes de champ magnétiques ne devraient plus avoir la même orientation. Cet élément vient contredire le fait que la sonde aurait quitté la bulle solaire, ce que les auteurs de l'étude ne manquent pas de souligner.

3/ La date estimée de franchissement de l'héliopause, le 25 août 2012, est dérivée de la décroissance régulière de la densité de plasma au cours de la mission couplée aux données obtenues en avril 2013. Mais elle reste fondée sur un postulat : celui selon lequel l'héliopause est une frontière nette avec le milieu interstellaire.

Une frontière très progressive ?

D. A. Gurnett, W. S. Kurth, L. F. Burlaga et N. F. Ness, les auteurs de l'étude exposée dans Science du 12 septembre 2013, tirent une autre conclusion de leur travail : la frontière avec le milieu interstellaire n'est probablement pas aussi franche qu'on le pensait. Ils évoquent une possible connexion du champ magnétique solaire avec le champ magnétique interstellaire selon des mécanismes qui ne seraient pas complètement compris.


Par conséquent, si Voyager 1 est bien aujourd'hui dans le milieu interstellaire, il sera peut-être difficile de dire précisément à quel moment elle y est entrée.

Un air de déjà vu

Voyager 1 a recommencé à faire parler d'elle à la fin de 2010. A cette époque, les scientifiques attachés à la mission ont perçu dans ses données les premiers signes d'un changement : les particules chargées du Soleil progressaient de moins en moins vite. Les astronomes attendaient ce signe depuis le 17 décembre 2004, date à laquelle Voyager 1 avait quitté l'héliosphère pour entrer dans la zone intermédiaire avec le reste de la Galaxie appelée héliogaine. Mais la frontière, si elle semblait proche, n'était pas franchie. Dans Ciel et Espace de mai 2011, Stamatios Krimigis, l'un des scientifiques de la mission, estimait qu'il faudrait encore attendre un an...


Une autre alerte a suivi en juillet 2012 lorsqu'une astronome française, Rosine Lallement, pensait avoir décelé une augmentation du flux de particules significative suivie d'une stabilisation. Mais voilà : la densité des particules a ensuite continué à augmenter. Malgré tout, en septembre 2012, nouvelle « secousse » ; cette fois, la Nasa fêtait simplement les 35 ans du lancement de Voyager 1...

Les frontières du Système solaire

La sonde américaine de 722 kg s'éloigne donc toujours à plus de 61000 km/h. Peut-être cette fois, après 36 ans dans l'espace, a-t-elle vraiment franchi l'héliopause (qu'elle soit diffuse ou non). Les données qu'elle continue à envoyer au rythme de 7,2 Ko/s, via son antenne parabolique de 3,66 m, le diront au cours des années qui viennent.

Frontières du Système solaire.

Le schéma ci-dessus montre les différentes frontières du Ssystème solaire et la position de Voyager 1. Crédit : Nasa/JPL.


Dans tous les cas, cette frontière ne concerne que le magnétisme. Du point de vue de la gravitation, la limite est encore loin. Bien au-delà de Voyager 1, se trouvent des millions de petits corps célestes glacés qui restent prisonniers de l'attraction solaire. Ils forment le nuage de Oort. Une zone que la sonde de la Nasa n'atteindra que dans des siècles et dont elle ne sortira que dans 30000 ans...

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