Une interview exclusive de Makoto Yoshikawa, responsable scientifique de la plus ambitieuse mission jamais imaginée à destination d'un astéroïde.
Repoussé deux fois pour cause de vent fort sur la base spatiale de Tanegashima, le lancement de Hayabusa2 par une fusée H-IIA s'est finalement déroulé comme prévu le mercredi 3 décembre 2014, à 5h22 heure française.
Destination : l'astéroïde primitif (162173) 1999 JU3, que la sonde atteindra à l'été 2018, avant de revenir sur Terre avec de précieux échantillons.
À l'occasion de ce lancement, Makoto Yoshikawa, de la Jaxa (agence spatiale japonaise) et l'Isas (Institute of Space and Astronautical Science), a bien voulu répondre à nos questions.
Quel est l'objectif de Hayabusa2 et comment avez-vous choisi sa cible ?
Makoto Yoshikawa : L'objectif scientifique le plus important de la mission est l'analyse de la matière organique que l'on devrait trouver à la surface de l'astéroïde 1999 JU3. Nous l'avons choisi car c'est un astéroïde de type C. Nous pensons que nous pouvons y trouver des molécules similaires à celles qui ont conduit à la vie sur Terre, contrairement à Itokawa, la cible de Hayabusa, qui était de type S.
Les autres raisons qui ont guidé nos choix sont d'ordre dynamique. Hayabusa2 est une petite sonde, sa puissance et donc sa capacité à changer d'orbite est limité. 1999 JU3 a une période telle que Hayabusa2 pourra revenir sur Terre. Par ailleurs, afin d'assurer l'atterrissage sur l'astéroïde, sa période de rotation devait être plus longue que 6 heures. Celle de 1999 JU3 est d'environ 7 heures et demie.
Quand la collecte des échantillons et leur retour sur Terre auront-ils lieu ?
M. Y. : Hayabusa2 atteindra 1999 JU3 en juin ou juillet 2018, après un survol de la Terre pour assistance gravitationnelle fin 2015. Elle accompagnera l'astéroïde sur son orbite pendant un an et demi, pour l'étudier avec ses quatre instruments : caméras optiques, spectromètre infrarouge, caméra infrarouge et altimètre laser. Pendant cette période, nous prendrons beaucoup d'images de la surface, à la recherche de zones montrant de la matière organique. Nous mesurerons aussi la masse de l'astéroïde afin de calculer sa densité.
A la fin de cette période, nous déploierons trois petits rovers en surface (Minerva-II) et un atterrisseur (Mascot, développé par la DLR et le Cnes). Les rovers pourront se déplacer sur l'astéroïde en sautillant. Quant à l'atterrisseur, il étudiera les propriétés de la surface et le champ magnétique. Tous prendrons des images.
Enfin, Hayabusa2 tentera de toucher le sol, à trois endroits différents, pour récolter des échantillons de l'astéroïde fin 2019. Le retour sur Terre est prévu pour fin 2020.
La sonde Hayabusa est placée dans la coiffe de la fusée H-IIA, le 17 novembre 2014. ©Jaxa.
Trois collectes sont donc prévues ?
M. Y. : Oui. Il y aura deux collectes en surface à deux endroits différents. Puis la sonde lancera un impacteur afin de créer un petit cratère. Le cratère fera quelques mètres de diamètre. C'est là que Hayabusa devra réaliser son troisième contact, afin de collecter du matériau issu du sous-sol de l'astéroïde. C'est très difficile et risqué, mais obtenir des échantillons du sous-sol d'un astéroïde, non affecté par les rayonnements de toutes sortes, serait extrêmement intéressant. Au final, nous comptons donc récupérer trois échantillons de 1999 JU3, issus de trois endroits différents.
Vous travaillez sur cette mission depuis plusieurs années. Quelle est selon vous le plus grand défi à relever ?
M. Y. : La création du petit cratère, c'est ce qui est le plus difficile je pense. Avant que l'impacteur n'explose, Hayabusa2 devra se cacher de l'autre côté de l'astéroïde afin de ne pas être endommagée par les débris du bolide ou des fragments de la surface. Donc la sonde ne verra pas l'impact, ce qui n'est pas idéal. Pour contourner ce problème, avant d'aller se cacher, Hayabusa2 déploiera une caméra qui assistera à l'impact. Toute cette séquence est très compliquée...
[Note : article mis à jour le 3 décembre 2014 à 9h]
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