Épisode 16 : Rencontre avec un scaphandre
« Je suis toujours à Houston, où mon entraînement se concentre ces temps-ci sur l'utilisation du scaphandre EMU (Extravehicular Mobility Unit). Je l'enfilerai si je dois faire une sortie dans l'espace. Ce que j'espère !
Le scaphandre n'est pas fait d'un bloc. Il est composé de pieds, jambes, torses, bras que l'on assemble et qui existent chacun en plusieurs tailles. Seuls nos gants sont faits sur mesure. C'est un vrai petit vaisseau spatial dont nous prenons grand soin. Pressurisé à 0,3 bar d'oxygène pur, il est doté d'un système de ventilation, afin d'évacuer le dioxyde de carbone qui, sinon, s'accumulerait autour de notre tête. Il possède un système de refroidissement, avec un circuit d'eau qui assure les échanges de chaleur entre notre corps et l'extérieur.
Scaphandre avec ordinateur de bord
Il a deux radios et un ordinateur de bord, qui affiche en permanence les paramètres du scaphandre, voire des alarmes en cas de problème (sur notre bras gauche). Et il intègre même un petit jetpack. Un peu comme celui de George Clooney dans le film Gravity, en plus modeste ! Cet équipement n'est pas utilisé pour se déplacer. C'est juste une sécurité supplémentaire pour le cas où, pour une raison ou pour une autre, les deux sangles qui nous rattachent constamment à l'ISS se détacheraient. Dans ce cas, un petit joystick se déploierait et nous pourrions manœuvrer le scaphandre.
J'ai appris à manipuler ce joystick dans le laboratoire de réalité virtuelle du Johnson Space Center, où l'extérieur de la station est reproduit jusqu'au plus petit boulon. Avec un casque et des gants à retour de force, on simule un scénario catastrophe où l'on est propulsé loin de tout point d'accroche, et en tournant sur nous-même (comme Sandra Bullock dans Gravity, encore). La première chose à faire est de stopper cette rotation car, dans l'espace, lorsqu'on commence à tourner ça ne s'arrête jamais... Ensuite, il faut impulser un mouvement vers la station. Mais il ne faut pas se louper : il n'y a pas beaucoup de carburant dans ce jetpack. À ma connaissance, personne n'a jamais eu à s'en servir en situation réelle.
Une sortie dans l'espace ne s'improvise pas. Dans l'ISS, la préparation commence plusieurs semaines avant le jour J, avec la recharge des batteries, la purge des circuits d'eau, etc. Le jour venu, il est recommandé de prendre un petit-déjeuner copieux car les sorties durent souvent plus de six heures. Puis il faut s'habiller, mettre en particulier cette seconde peau où passent les tuyaux du système de refroidissement, enfiler le scaphandre en se faisant aider, et entamer tout un tas de procédures qui prennent bien trois heures. C'est long, mais lorsque le sas s'ouvre enfin, je pense que l'on est largement récompensé !
Un événement plus anecdotique de ce mois d'octobre : j'ai vu le film Seul sur Mars et j'ai adoré, comme j'avais dévoré le livre. J'ai trouvé en particulier que l'ambiance au sein de l'équipage était parfaitement vu. L'humour dans les moments difficiles, les astronautes qui n'arrêtent pas de se chambrer, c'est tout à fait ça. D'ailleurs, ici à Houston, en ce moment même, Luca [Luca Parmitano, astronaute de l'ESA de la même promotion que Thomas Pesquet, NDLR] est à côté de moi et on se demande tous les deux pourquoi la Nasa nous oblige à partager le même bureau. C'est d'un pénible ! »
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