« Microscope [Micro-Satellite à traînée Compensée pour l'Observation du Principe d'Equivalence, NDLR] doit tester sur orbite le principe d'équivalence à la précision record de 10^-15, soit cent fois mieux que tout ce qui a été fait jusqu'à présent sur Terre », explique le physicien théoricien Thibault Damour, professeur à l'IHES.
Pilier de la théorie de relativité générale d'Einstein, ce principe n'en est pas réellement un, « c'est un fait expérimental, posé comme hypothèse centrale par Einstein, mais dont on sait depuis 1919 qu'il pourrait être violé. »
Préciser l'expérience de Galilée
Que dit-il ? Que la masse inertielle, qui intervient lors d'un changement de mouvement, et la masse gravitationnelle, qui intervient lors d'une interaction gravitationnelle, sont équivalentes. Ce qui se traduit par un fait vérifié selon la légende par Galilée lui-même (depuis la tour de Pise): deux corps de masse et de composition différentes, lâchés en chute libre, tombent à la même vitesse (en réalité, l'expérience doit être réalisée dans le vide, comme l'a fait l'astronaute David Scott sur la Lune en 1971 avec un marteau et une plume).
C'est précisément cela que Microscope doit vérifier jusqu'à la quinzième décimale après la virgule. Son instrument T-SAGE, développé par l'Onera, est composé de deux masses d'épreuves de forme rigoureusement identique mais de composition différente. En orbite, elles chutent toutes deux de concert. Tombent-elles exactement de la même manière ?
Une nouvelle interaction à la clé ?
« Lancer un satellite pour tester à la précision de 10^-15 un fait déjà vérifié à 10^-13 peut paraître étrange. Mais ce n'est pas gratuit : dans la théorie des cordes [qui tente d'unifier les deux grands pans de la physique, à savoir la relativité générale et la mécanique quantique, NDLR], il existe des modèles qui prévoient justement une violation du principe d'équivalence sous 10^-13. Bien sûr, la probabilité pour que ces modèles soient les bons parmi de nombreux autres est faible, mais le gain potentiel en tentant l'expérience est énorme : c'est la découverte d'une nouvelle interaction ! » s'enthousiasme Thibault Damour.
L'expérience spatiale la plus précise
Atteindre cette précision nécessite évidemment d'isoler les masses d'épreuves de toute perturbation extérieure. C'est le rôle du satellite Microscope, conçu pour être un cocon hyper-protecteur pour T-SAGE, son cœur.
« La première perturbation que le satellite doit compenser est le frottement de l'atmosphère résiduelle à 707 km, d'où un satellite à traînée compensée », explique Yves André, le chef de projet Microscope au Cnes. Microscope possède ainsi 49 micropropulseurs, si délicats qui faudrait les faire fonctionner tous en même temps à pleine poussée pour soulever une feuille de papier A4 !
« Il nous faut aussi tenir compte d'effets plus fins encore, comme les micro-accélérations provoquées par la pression des photons solaires sur les protections thermiques du satellite. Ou celles liées à la contraction infime des réservoirs de gaz de propulsion à mesure qu'ils se vident », poursuit l'ingénieur.
Si on ne les corrige pas, l'envoi de données vers la Terre ou le passage de courant dans les fils électriques (tous deux créent un petit champ magnétique) sont aussi susceptibles de perturber la parfaite chute libre des masses d'épreuves...
Yves André reconnaît « avoir eu des frayeurs » durant la conception de Microscope. Aucune expérience spatiale ne requiert autant de précision.
Après la mise sous tension le 27 avril 2016, il faudra six mois de réglages avant de démarrer l'expérience. Elle doit durer deux ans.
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