Décrets de Trump : la Nasa obéit au doigt et à l’œil

Crédit: NASA/Kim Shiflett
Seulement 48 h après l'investiture de Donald Trump, la Nasa a commencé à appliquer le décret du nouveau président des États-Unis, qui exige la suppression de tout programme ou service lié à la DEIA, c'est-à-dire à la diversité, l’équité, l’inclusion et l’accessibilité.

Dans une note adressée le 22 janvier 2025 aux employés, et publiée par le site Nasa Watch, Janet Petro, administratrice par intérim de l’agence spatiale et directrice du Kennedy Space Center, annonce « fermer tous les bureaux DEIA, conformément aux décrets exécutifs du président Trump ». 

Appel à la délation et menaces

Dans son mémo, Janet Petro ne se contente pas d’écrire: « Ces programmes ont divisé les Américains par race, gaspillé l’argent des contribuables et entraîné une discrimination honteuse », mais enjoint également les employés à la délation de toute personne qui aurait volontairement dissimulé des initatives en faveur de la DEIA et ce, depuis le 5 novembre 2024, jour de l’élection de Donald Trump. Elle vise ainsi celles et ceux qui, anticipant la mise en place de décrets ultraconservateurs signés par Trump, auraient pris les devants (par exemple en renommant un programme destiné à favoriser l’inclusion afin de cacher son objectif final).

Le texte est ainsi rédigé : « Nous sommes conscients des efforts de certains membres du gouvernement visant à dissimuler ces programmes en utilisant un langage codé ou imprécis. Si vous êtes au courant d’une modification dans la description de tout contrat ou de tout poste depuis le 5 novembre 2024 qui vise à obscurcir le lien entre le contrat et la DEIA ou des idéologies similaires, veuillez signaler tous les faits et circonstances à DEIAtruth@opm.gov dans un délai de 10 jours. » 

En fin de mémo, Janet Petro formule même des menaces à l’encontre des personnes qui omettraient de dénoncer les contrevenants : « Il n’y aura aucune conséquence négative pour la déclaration en temps opportun de ces informations. Cependant, le fait de ne pas signaler ces informations dans les 10 jours pourrait entrainer des conséquences négatives. »

Un grand virage pour Janet Petro

Cette directive est d’autant plus sidérante que Janet Petro est la toute première femme de l’histoire à occuper le poste d’administratrice de la Nasa et qu’elle avait par le passé pris clairement position en faveur de la DEIA. Dans une interview accordée en 2021 à Engineer News Record, et centrée sur son rôle de directrice du Kennedy Space Center, elle avait ainsi déclaré entre autres : « À la Nasa et au Kennedy Space Center, notre engagement envers la diversité, l’équité, l’inclusion et l’accessibilité a été essentiel au succès de la mission. Toute l’équipe dirigeante de la Nasa soutient cet engagement. » Et « nous accueillons la diversité parce que nous comprenons que des opinions, des parcours et des perspectives différents créent un environnement enrichissant qui alimente l’innovation et la croissance personnelle. Chaque différence d’opinion, de parcours ou de perspective est une opportunité d’apprendre et de bâtir des relations... C’est également ainsi que nous réalisons des missions d’une complexité et d’une ambition sans précédent qui inspirent le monde. »

Selon nos confrères de Space News, la Nasa a également reçu, dès le 21 janvier 2025, une directive émanant de Charles Enzell, le directeur par intérim du Bureau de la gestion du personnel, qui demandait la suppression de tous les contenus liés à la DEIA sur le site web de la Nasa. Nous avons fait l’essai : en tapant « diversity » sur la barre de recherche, on obtient une longue liste de contenus dédiés. Mais en cliquant sur chacun d’entre eux, une page « Erreur 404 » s’affiche… Toujours selon Space News, la directive ordonne aussi de fournir une liste des services liés à la DEIA avant le 23 janvier 2025. Selon le décret de Trump, toutes les agences fédérales doivent fournir un plan de licenciement de tous les employés des bureaux DEIA avant la fin du mois. 

Exit le Conseil national de l’espace

Autre virement de bord du spatial américain : la nouvelle administration envisage de se passer du Conseil national de l’espace, qui, dirigée par le/ la vice-Président.e, vise notamment à coordonner les agences fédérales liées à l’espace (la Nasa, le ministère de la Défense, la FAA…), à faire des recommandations sur les missions prioritaires, ou encore à promouvoir la coopération internationale. L’instance stratégique est en effet dans le viseur de Space X et de ses soutiens.

Selon les informations de Reuters, les bureaux du personnel du Conseil ont été en grande partie vidés. Par ailleurs, le site web affiche lui aussi une page « Erreur 404 ». À l’heure actuelle cependant, aucune décision officielle n’a été annoncée. Le Conseil va-t-il survivre ? « Si Trump estime qu’Elon Musk sait exactement quelle est la politique spatiale à suivre, alors il n’en mettra pas », estime Xavier Pasco, spécialiste de politique spatiale, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique. « Mais en cas de petites ou grosses divergences futures entre eux deux, et si Trump veut se garder un petit outil pour éviter que Musk ne capte tous les leviers, alors il pourrait quand même envisager de le conserver », ajoute l’expert.

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