"Un petit pas pour l’homme, un bond de géant pour l’humanité" et une affaire en or pour Gary George. Cet Américain s’apprête à vendre aux enchères, chez Sotheby’s, le 20 juillet 2019, le tout premier enregistrement terrestre des premiers pas d'un homme sur la Lune, 50 ans plus tôt. La mise à prix est de 700 000 dollars, mais les experts ont estimé la valeur de ces bandes – dont la Nasa s’est séparée par mégarde et qu’elle aimerait beaucoup récupérer – à 2 millions de dollars.
Une qualité inégalée
Ces trois bobines magnétiques, d’une durée respective de 45, 49 et 50 minutes, ont été enregistrées au centre spatial de Houston, au Texas. Les images de Neil Armstrong descendant de l’échelle du LM, de Buzz Aldrin rebondissant sur notre satellite, la collecte de roches lunaires et l’installation de la bannière étoilée, ou encore l’échange téléphonique avec le président Nixon : tout y est des 2 h 24 passées sur la surface lunaire. Les images ont été transmises depuis la Lune par un canal spécial, sans intermédiaire. Une réception directe en haute résolution qui explique pourquoi ces vidéos, les mêmes que celles vues ce jour-là par plus de 500 millions de personnes à travers le monde sur l’écran de leur télévision, sont de bien meilleure qualité – tant au niveau de la netteté que du son. Les images retransmises chez les particuliers ont, elles, transité par diverses bornes avant d’arriver dans les foyers, perdant chaque fois en qualité.
217 dollars les 1150 bobines
Que la Nasa ait filmé ces instants historiques, rien d’étonnant à cela. Ce qui surprend est la manière dont ces bandes se sont retrouvées entre les mains de Gary George. Il était simple stagiaire au sein de l’agence spatiale américaine en 1973. En 1976, la Nasa a besoin de place sur ses étagères et décide de se défaire d’une partie de ses enregistrements de peu de valeur. Gary George apprend alors qu’une vente aux enchères va se tenir à la base aérienne de Houston. Il y acquiert 1150 bobines de films magnétiques pour 217,77 dollars.
Une bonne affaire puisque ce type de bobine réenregistrable vaut, à l’unité, 260 dollars à l’époque. Il envisage de se faire un peu d’argent en les revendant à prix d’occasion aux télévisions locales — ce qu’il fait, en partie. Car son père découvre dans le lot trois bobines au traitement différencié : elles sont enfermées dans des boîtes rouges et noires et portent la mention « APOLLO 11 EVA | July 20, 1969 REEL 1 [–3] ». EVA pour « sortie extravéhiculaire ». Sur les conseils avisés de son papa, Gary les met de côté, sans avoir vu leur contenu.
Trois visionnages depuis 1969
Ce n’est qu’en octobre 2008, quand Gary apprend par une connaissance de la Nasa que l’agence désespère de remettre la main sur les enregistrements originaux d’Apollo 11 en vue de préparer les célébrations des 40 ans de la mission, qu’il se met en quête d'un appareil permettant de visionner ces bobines. Il se rend alors à Burbank, en Californie. Un trajet qu’il n’a pas parcouru en vain : elles sont en parfait état. Peut-être est-ce d’ailleurs la première fois depuis le soir du 20 juillet 1969 qu’elles sont vues. Approché par la Nasa, Gary George refuse de céder ces pistes (l’histoire ne dit pas pourquoi) qu’il fait numériser lors d’un deuxième visionnage en décembre 2008.
La troisième projection de ces bandes a permis aux experts de la maison d’enchères Sotheby’s d’attester leur qualité et leur provenance. La suivante sera donc le fait de l’acquéreur. Au premier rang des postulants : la Nasa ! Qui va payer très cher sa bourde.
Découvrez en kiosque ou sur notre boutique web
Offert avec ce numéro, le poster «La carte de la Lune »