Les prochaines semaines seront charnières pour le futur des mégaconstellations de satellites. Tandis que la société Space X a réussi un nouveau lancement de 60 Starlink le 7 avril 2021, portant leur effectif total en orbite à 1378, l’Union astronomique internationale (UAI) se prépare à exhorter l’ONU de se saisir de moyens de régulation.
À la demande du Comité des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique (COPUOS) des Nations unies, 950 professionnels de l’astronomie s’étaient réunis du 5 au 9 octobre 2020 pour estimer l’impact des activités humaines sur la visibilité du ciel et le progrès en astronomie. Un rapport présentant les menaces et les actions à mener de la part des États a été produit. Résumé en plusieurs points clés, il sera présenté à une réunion préliminaire du COPUOS, organisée du 19 au 30 avril 2021 à Vienne. Selon les retours obtenus, l’UAI amendera son rapport pour en présenter une version définitive à la plénière annuelle du COPUOS, au mois d’août 2021.
Interférences radio et trainées lumineuses dans le ciel seront ainsi au cœur des discussions entre astronomes et délégations nationales. Il y a urgence : au-delà des 42 000 satellites qu’ambitionne Space X, d’autres projets de mégaconstellations américaines, européennes, russes, chinoises pourraient déboucher sur un total de 100 000 satellites en orbite basse à l’issue de la prochaine décennie…
Au terme de la réunion d’avril, la délégation française, qui compte notamment cinq représentants du Cnes et une représentante du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, se prononcera sur ce rapport de l’UAI, entre ratification (forme la plus forte de soutien) ou un simple « soutien explicite ».
Quantifier la menace en orbite basse
« Nous souhaitons quantifier l’impact réel de cette menace, explique Éric Lagadec, président de la SF2A. Des mégaconstellations verront le jour indubitablement. Il faut maintenant encadrer leur déploiement pour limiter leur impact sur notre travail », se résigne l’astronome, employé par le Conseil national des astronomes et physiciens (CNAP).
Outre leurs recherches scientifiques, les membres du CNAP vont dorénavant plancher sur les conséquences des choix techniques des mégaconstellations (taille de satellites, revêtements, émissions radio, nombres, altitude). Leurs calculs pourront servir à définir des contraintes que devront respecter les industriels, mais avant tout leur faire prendre conscience, ainsi qu’à leurs consommateurs, du tort qu’ils peuvent causer à la recherche scientifique.
« La fonction d’astronome CNAP inclut des tâches de service à la communauté. Nous venons de convenir avec l’Institut national des sciences de l’Univers que ce type d’effort pouvait rentrer dans le cadre de ces tâches de service », révèle Éric Lagadec. Avec l’appui institutionnel du CNRS, les astronomes français s’arment donc pour tenter de préserver le ciel nocturne. « Certains ont même proposé d’inscrire celui-ci au patrimoine mondial de l’Unesco. Mais c’est impossible pour le moment : ce label ne peut être attribué qu’à des biens présents sur terre », note l’astrophysicien.