D’où vient l’oxygène de Chury ?

Jets de poussière et de gaz issus de la comète Churyumov-Gerasimenko. ©ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA

Si les atomes d'oxygène ne sont pas rares dans l'Univers, il est plus rare de les trouver associés par deux sous forme de molécules, leur découverte dans une comète est une grande première et une énigme !

Une abondance inattendue

La sonde Rosetta en orbite autour de 67P/ Churymov-Gerasimenko a mesuré que le dioxygène (O2) est, en quantité, le quatrième gaz émis par la comète. Par rapport à l'eau, son abondance varie entre 1 et 10%, avec une moyenne de 3,8%.

« La nouvelle fait le buzz, car l'oxygène fait immédiatement penser à la vie », explique Olivier Mousis, du Laboratoire d'astrophysique de Marseille et co-auteur de l'article scientifique. Mais il est clair que cette découverte ne nous apprend rien sur la vie sur Terre, précise le chercheur. Les abondances de gaz autour de la comète ne rendent pas son atmosphère (la chevelure) respirable !

Le mystère de l'oxygène

La présence du dioxygène est une énigme, car la sonde a également mesuré une faible abondance de diazote (N2). Ce résultat montre que l'environnement de la comète lors de sa formation était plus chaud que -240°C. Or, les molécules d'oxygène, elles, ne restent intactes qu'à une température inférieure à -243°C.

Si cette molécule ne nous dit rien sur la vie sur Terre, elle est en revanche riche d'enseignements sur le contexte de formation de la comète. En effet, le dioxygène est une molécule très réactive, et donc fragile. Sur Terre, elle n'est abondante qu'en raison de son renouvellement par l'activité biologique.

« Ce qu'on voit, c'est de la production d'oxygène moléculaire est très corrélée avec celle de l'eau. On a donc l'impression que l'oxygène fait partie de la glace d'eau », souligne Olivier Mousis.

Une piste pour la formation de la comète ?

La première hypothèse est donc que le dioxygène ait été accrété en même temps que l'eau sur la comète lors de sa formation. C'est l'idée privilégiée dans l'article scientifique. « Le problème est que l'on ne sait pas reproduire en laboratoire le piégeage du dioxygène dans de la glace d'eau à basse température. Il n'y a pas mécanisme connu », tempère Olivier Mousis.

« Seconde hypothèse, plus vraisemblable selon moi : le dioxygène se serait formé par radiolyse », poursuit Olivier Mousis. La radiolyse est un mécanisme capable de casser des molécules sous l'effet d'un rayonnement énergétique. Typiquement, il permet de casser des molécules d'eau (H2O) pour libérer leur atome d'oxygène. Celui-ci peut alors se recombiner avec un autre atome d'oxygène pour former une molécule.

Ce mécanisme est observé sur les satellites glacés de Jupiter et de Saturne, car ils sont soumis à un rayonnement issu de leur planète. « Mais il ne fonctionne qu'en surface. Or, celle de la comète a été altérée par le temps. Du coup, cette seconde hypothèse ne tient que si la radiolyse s'est produite avant que ne se forme la comète, sur les grains qui se sont accrétés pour lui donner naissance », explique Olivier Mousis.

Une idée à tester en laboratoire

Mais pour étayer cette idée, les chercheurs manquent encore de données. « Sur la radiolyse, nous avons encore du travail pour vérifier en laboratoire si le mécanisme peut produire autant de dioxygène », souligne Olivier Mousis.

Reste également à comprendre quelle serait la source du rayonnement ionisant. Il peut s'agir du jeune Soleil sur la nébuleuse protosolaire, ou encore de l'explosion d'une supernova sur les poussières de l'environnement galactique.

Actuellement, la question de savoir si les comètes se forment à partir des matériaux de la nébuleuse protosolaire ou de ceux de l'environnement galactique est encore très débattue. « Mais nous devrions bientôt être capables de trancher cette question », confie Olivier Mousis.

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