AMS-2 ne tranche pas encore l’énigme de la matière noire

L'expérience AMS-2, installée sur l'ISS. Crédit : Nasa.

Les résultats de l'expérience AMS-2, embarquée sur l'ISS, confirment l'existence d'un excès de positons qui peut être dû à l'existence d'une matière noire, mais pas uniquement.


C'est bien le côté frustrant de l'annonce faite par le prix Nobel de physique Samuel Ting, le 3 avril 2013, au Cern, à Genève : au terme d'observations d'un an et demi commencées en mai 2011, et après la détection de 400000 positons venus de l'Univers, l'existence de la matière noire n'est ni infirmée, ni confirmée. Samuel Ting a lui-même prévenu : « Dans les mois à venir, grâce à AMS (Alpha Magnetic Spectrometer), nous serons en mesure de dire de façon certaine si ces positons sont une signature de la matière noire ou s'ils ont une autre origine. »

Autrement dit, même si l'instrument dont il a été le promoteur (au point d'obtenir auprès de la Maison Blanche son lancement par une navette supplémentaire) a produit « la mesure la plus précise des positons du flux des rayons cosmiques », il faudra encore attendre pour espérer une réponse.

Deux interprétations pour un excès
AMS détecte les rayons cosmiques qui sont produits par la désintégration d'atomes accélérés qui entrent en collision avec d'autres atomes. Ces rayons, ce sont des électrons, des protons, mais aussi des positons (des électrons chargés positivement ou encore des anti-électrons). Selon les modèles en vigueur, la proportion de positons doit être à peu près uniforme à tous les niveaux d'énergie. Or, AMS a vu que la quantité de positrons augmente régulièrement à des énergies comprises entre 10 et 250 GeV.

Cette anomalie peut avoir deux origines. L'une d'elles est la matière noire, dont les particules appelées WIMPs, en se télescopant, sont censées produire une certaine quantité de positons dans une gamme d'énergies bien précise. L'autre origine possible, c'est plus simplement la présence de pulsars non détectés dans la Voie lactée, qui eux aussi doivent produire ces fameux positons, mais sur une gamme d'énergies plus large.

Une matière noire encore en suspens
L'excès de positons vu par AMS avait déjà été décelé en 2009 par l'expérience spatiale Pamela, embarquée sur un satellite russe. Mais seuls 9430 positons avaient été vus, de sorte que les scientifiques doutaient de sa réalité. Avec 400000 positons, AMS confirme que cet excès existe bien. Mais sa précision n'est pas suffisante pour dire avec assez d'acuité sur quelles énergies les positons en trop se répartissent. De sorte que les deux hypothèses, matière noire ou pulsars, se tiennent toujours, sans que l'une puisse être privilégiée.

Observations à venir
L'annonce de ce résultat constitue donc un pas de plus vers la solution de l'énigme mais sans qu'il soit décisif. Le 17 février 2013, Samuel Ting s'était laissé aller, lors du meeting annuel de l'AAAS, à annoncer un résultat qui « ne serait pas mineur » dans les deux ou trois semaines. Ce qui laissait présager d'une réponse à l'énigme et qui avait suscité des interrogations dans les médias. Six semaines plus tard, la nouvelle est donc arrivée et indique principalement qu'AMS, qui a coûté autour de 2 milliards de dollars, fonctionne bien.

Pour avoir une idée plus précise sur l'existence ou non de la matière noire, il faudra encore patienter de longs mois, le temps que des milliers de nouveaux positons pénètrent dans AMS-2 pour lui donner la précision requise.

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