« Il est trop tôt pour dire ce qui a causé la fuite. Ce qui est sûr, c'est qu’elle était trop grande. » Par ces mots, Mike Sarafin, responsable des missions Artemis, a éteint tout espoir de voir la première fusée Space Launch System (SLS) s’élever dans le ciel de Floride avant mardi 6, fin de la fenêtre de tir allant du 19 août au 6 septembre 2022. Avant lui, au cours du point presse donné au Kennedy Space Center le 3 septembre quelques heures après l’arrêt des opérations, Jim Free, administrateur de la Nasa pour le développement des systèmes d’exploration, l’avait explicitement annoncé, mais sans détails techniques.
Une fuite dès le début du remplissage du réservoir
Selon Mike Sarafin, la fuite s’est déclarée dès le début du remplissage du réservoir d’hydrogène de la fusée, « après 4 h 45 du matin ». Elle est située au niveau du joint de déconnexion rapide qui permet au tuyau de 20 cm de diamètre d’alimenter le réservoir. Ce joint, fait de métal enrobé de silicone, est appelé QD (pour Quick Disconect). « Nous allons inspecter le QD et voir s’il est endommagé, s’il faut le remplacer. Si c’est le joint, nous avons des pièces de rechange. C’est notre suspect principal », a déclaré Mike Sarafin. Il a également expliqué qu'une fuite de cette ampleur, par expérience, nécessitait de changer le joint.
Deux options pour réparer
La Nasa est face à un choix qu’elle n’a pas encore tranché. Les responsables d’Artemis 1 peuvent décider de réparer le joint sur le pas de tir, sans déplacer la fusée. Pour cela, il faut créer un confinement avec de l’azote pour limiter le risque que l'hydrogène ne s'enflamme au contact de l'oxygène de l'air ambiant. Et cette option offre la possibilité de procéder ensuite à un test de remplissage pour s’assurer que la réparation tient bon. Il suffit de n’expédier dans le réservoir que 15% de l’hydrogène qu’il peut contenir.
Mais une alternative existe : renvoyer la fusée au Vehicle Assembly Building (ou VAB), l’énorme bâtiment dans lequel elle a été assemblée en position verticale, à plus de 5 km de là. Cela rendrait la réparation plus facile mais ne permettrait pas de tester la réparation.
Exposé ainsi, le choix semble évident : conserver la SLS d’Artemis 1 sur l’aire de lancement 39B, car cela permettrait d’envisager un lancement dès l’ouverture de la prochaine opportunité qui commence le 19 septembre…
Une contrainte de batteries
Seulement, voilà, réparation sur le pas de tir ou pas, il se pourrait que la SLS soit de toute manière obligée de rentrer au garage. Et cela pour une raison étrangère à la fuite d’hydrogène : la certification du Flight Termination System. Le FTS est le dispositif pyrotechnique embarqué pour détruire le lanceur s’il devient incontrôlable pendant son ascension et menace de retomber sur des zones habitées. En effet, ce moyen d’autodestruction, inséré dans l’étage principal, fonctionne sur des batteries autonomes du reste de la fusée.
Or, ces batteries ont une durée de vie limitée. Au-delà de 20 à 25 jours, elles ne sont plus considérées comme fiables. Il faut alors les tester ou les changer. Une opération qui ne peut se faire que dans le VAB, comme l’a confirmé Mike Sarafin : « Nous devons rentrer au VAB pour changer les batteries du FTS, ces batteries périment au bout de 25 jours. » Justement, la Nasa avait déjà obtenu du Space Launch Delta 45, l’unité militaire qui procure les certifications pour la côte est des États-Unis, une extension au maximum, 25 jours, afin de pouvoir lancer la SLS jusqu’au 5 septembre 2022.
Par conséquent, pour éviter un retour de la fusée géante au VAB, il faudrait qu’une nouvelle extension soit accordée, et ce, sans tester les batteries. Ce cas de figure semble hautement improbable. Donc, quelle que soit l’option choisie, on voit mal comment éviter un « roll-back » jusqu’au garage, synonyme d’un abandon de la fenêtre de tir qui s’ouvre le 19 septembre 2022.
Crew 5 part vers l’ISS dans l’intervalle…
Une fois la SLS dans le VAB, elle est acheminée jusqu’à l’aire de lancement 39B onze jours avant la prochaine date visée pour un décollage. Même si la Nasa n’a pas voulu conclure et indiquer dès le 3 septembre une date ferme pour le prochain essai de lancement d’Artemis 1, tout laisse penser que cela ne sera pas avant le 17 octobre 2022. Bill Nelson, administrateur de la Nasa, a par ailleurs rappelé que le décollage de la mission habitée Crew 5 à destination de la Station spatiale internationale (ISS) était programmé pour le 3 octobre 2022. Et que pour des raisons opérationnelles, il n’était pas envisageable d’engager une campagne de lancement Artemis avant la mi-octobre.
Bill Nelson toujours a martelé dès le début du point presse : « Nous n’avons pas eu le lancement que nous voulions, mais les équipes savent exactement ce qu’elles font. Nous ne lancerons pas tant que nous ne serons pas prêts. La sécurité est notre priorité. » Pas de quoi inciter à une prise de décision audacieuse, même si une nouvelle mise à jour devrait être publiée par la Nasa mardi 6 septembre 2022. En attendant, une date de lancement entre le 17 et le 31 octobre reste l’hypothèse la plus réaliste.
Mise à jour du 8 septembre 2022, 17 h 30
La Nasa a annoncé lors d'une télé conférence viser un test cryogénique de remplissage du réservoir d'hydrogène le 17 septembre 2022, afin de savoir si la réparation du joint défectueux est efficace. Si c'est le cas, elle envisagera de tenter de lancer la fusée SLS du 23 au 27 septembre. Pour cela, elle escompte avoir une extension sur le Flight Termination System (FTS). Mais cela est encore en attente. Le 23 septembre, la fenêtre de lancement de 120 mn (dont 80 après le lever du Soleil) commencerait à 6 h 47 du matin (12 h 47 en France) pour une mission jusqu'au 18 octobre. Le 27, cela serait à 11 h 37 (pour 70 mn) avec une mission se terminant le 5 novembre.