Jusque-là, on ne les connaissait que grâce à leur acte de naissance particulièrement violent : la collision de deux trous noirs. Et encore, depuis peu : 2015. Car seules les ondes gravitationnelles émises lors de ces collisions avaient été détectées avec les observatoires Ligo et Virgo. Pour la première fois, un trou noir d’une masse nettement supérieure aux plus massifs trous noirs stellaires a été identifié dans la Voie lactée, autrement que par le bref passage d’ondes gravitationnelles.
L’objet, appelé LB-1, et qui reste toutefois bien moins massif que les trous noirs géants qui occupent le centre de la plupart des galaxies, se trouve à 13800 années-lumière de la Terre, dans la constellation des Gémeaux. Il a d’abord été repéré par le télescope chinois de 4 m LAMOST. Cet instrument capable de mesurer précisément la vitesse des étoiles grâce à son spectroscope, a décelé une étoile brillante très massive (8 fois la masse du Soleil) qui décrit une orbite en 79 jours autour… de rien. Les télescopes de 10 m des Canaries et d’Hawaï ont pris le relais pour étudier le mouvement de cet astre plus en détail. Et le verdict est tombé : cette étoile tourne autour d’un trou noir de 68 masses solaires.
Le fruit d’une fusion de trous noirs stellaires ?
La découverte est intéressante car, pour la première fois, les astrophysiciens détectent par des moyens optiques traditionnels un trou noir d’une catégorie totalement inconnue jusqu’en 2015. C’est en effet seulement à partir de cette date qu’ils ont conclu que des trous noirs de ce gabarit pouvaient exister. Tout simplement parce qu’ils en avaient observé la naissance par la détection d’ondes gravitationnelles produite lors de la collision de deux trous noirs de masse plus modeste. Les plus gros trous noirs stellaires (formés à partir de l’explosion d’étoiles massives en supernovae) ne peuvent en effet dépasser une trentaine de masses solaires. Mais la fusion de deux d’entre eux permet la formation de trous noirs d’environ 70 masses solaires.
Une autre hypothèse de formation
Toutefois, l’existence de LB-1 pose toujours un problème. L’étoile qui tourne autour de lui et qui permet d’attester de son existence suit une orbite circulaire. Or, on pourrait imaginer qu’elle a été capturée par le trou noir après qu’il se soit formé. Mais dans ce cas, l’orbite de l’étoile devrait être très elliptique. Même si avec le temps cette orbite allongée aura tendance à se circulariser, l’âge de l’étoile massive (35 millions d’années) ne laisse pas assez de temps pour que cette circularisation ait eu lieu de manière aussi poussée que ce qui est observé. Faut-il donc imaginer que le trou noir s’est formé autrement que par collision et que l’étoile qui l’accompagne lui était liée dès le début ? Dans ce cas, il faut envisager que le trou noir résulte d’une explosion de supernova quelque peu particulière dans laquelle la matière éjectée retombe aussitôt vers le cœur de l’astre et vient le nourrir au point qu’il atteigne une masse jugée jusque-là impossible…
Un astre observable par les amateurs
L’étoile de type B qui gravite autour du trou noir est certes anonyme mais elle est assez brillante pour être observée par des amateurs. Elle se trouve dans la constellation des Gémeaux et atteint la magnitude 11,5, ce qui est visuellement accessible sans difficulté à tout télescope de 100 mm de diamètre. En photo, c’est encore mieux ! Nous avons recherché l’astre à partir de ses coordonnées galactiques données dans l’article scientifique et il semble que ce soit GSC 01877-00743, dont les coordonnées équatoriales sont : AD = 6 h 11,818 m et D = +22° 49,547’.
Le premier objet d’une population jusque-là inconnue ?
LB-1, dont la découverte a été publiée dans la revue Nature, n’est probablement que le premier d’une population de trous noirs similaires jusque-là impossibles à voir dans la Voie lactée. Les astrophysiciens estiment qu’il doit y avoir 100 millions de trous noirs stellaires dans la Voie lactée. Les trous noirs issus de collisions de trous noirs stellaires doivent être beaucoup moins nombreux mais bien présents. C’est ce qui fait de lui un astre important pour les astronomes.