Saturne, Jupiter, Uranus et Neptune ne sont pas les seuls astres du Système solaire à posséder des anneaux.
Une équipe internationale, dont fait partie une dizaine d'astronomes de l'Observatoire de Paris, vient de découvrir que (10199) Chariklo, un astéroïde de 250 km de diamètre de la catégorie des Centaures (c'est-à-dire naviguant entre Saturne et Uranus), est paré d’un système de deux anneaux.
En exclusivité pour Ciel & Espace, Felipe Braga-Ribas (Observatório Nacional/MCTI, Rio de Janeiro, Brésil) fait le point sur cette étonnante découverte dont il est le premier auteur.
C'est en observant une occultation d'étoile par Chariklo que vous avez fait cette découverte. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste une telle observation ?
Nous observons régulièrement des occultations par des astéroïdes et objets transneptuniens (situés au-delà de Neptune), dans le but de mieux les caractériser. En effet, l'étoile occultée agit comme un projecteur et permet de déduire par exemple la présence d'une atmosphère autour de ces TNO.
Mais comme ces objets sont très lointains, il est difficile de prévoir exactement depuis quelle région de la Terre une occultation donnée sera visible. Nous ajustons en permanence nos prédictions. Pour l'observation de Chariklo, nous avons mobilisé tout un réseau d'observateurs en Argentine, au Brésil et au Chili. C'est ainsi que 17 télescopes, répartis dans 7 sites différents, ont réussi à observer l'occultation.
Ci-dessous une vue d'artiste de Chariklo, ses anneaux et un satellite en vidéo.
Cherchiez-vous des anneaux lorsque vous avez décidé d'observer Chariklo ?
Non, absolument pas, c'est une surprise totale ! Dans les courbes de lumière obtenues par les différents observateurs, nous avons identifié des chutes brutales de luminosité avant et après l'occultation par l'objet lui-même. Quelque chose bloquait la lumière de l'étoile. Nous avons d'abord cru à des jets de matière.
Mais l'une des observations (celle menée par le télescope danois de 1,54 m de l'observatoire de La Silla, au Chili) a montré que les deux chutes de luminosité étaient symétriques, il ne pouvait s'agir que d'anneaux ! Ces derniers mesurent 3 et 7 km de large et sont séparés par une division de 9 km de large.
L'animation ci-dessous permet de mieux comprendre ce qu'a vu l'équipe.
Crédit : L. Maquet (LESIA/Observatoire de Paris).
Ci-dessous, la vidéo de l'occultation telle qu'elle s'est réellement produite. Avant et après
la disparition totale de l'étoile, elle est très brièvement occultée (on dirait alors que l'étoile clignote).
C'est le signe de la présence des anneaux.
Comment expliquer la présence de ces anneaux ?
Il est possible que Charkilo soit entré en collision avec un corps plus petit et que les débris de celui-ci se soient satellisés. S'ils demeurent aujourd'hui, c'est sans doute qu'ils sont confinés par de toutes petites lunes, des satellites « bergers ». Notre observation a montré en tout cas que les anneaux ne sont pas l'apanage des planètes géantes. Nous pensons d'ailleurs qu'il existe probablement d'autres astéroïdes munis d'anneaux.
L'étude est publiée dans le journal Nature daté du 26 mars 2014. Retrouvez notre article complet sur Chariklo dans notre numéro de mai, à paraître le 24 avril 2014.
Ci-dessous l'astronome Felipe Braga-Ribas lors de l'interview à Ciel & Espace. © JL Dauvergne/C&E Photos.
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