Plus vaste que la Pleine Lune dans le ciel, cette nébuleuse était pourtant passée inaperçue jusqu’en janvier 2020. C’est à cette date que le duo d’astronomes amateurs constitué du Français Xavier Strottner et de l’Allemand Marcel Drechsler déniche l’objet diffus. En examinant les images du sondage MDW de la voûte céleste, ils constatent une tache non loin de la galaxie M33, dans la constellation du Triangle. Une nébuleuse encore jamais identifiée !
Coutumier de ce type de découvertes, le duo la présente à Pascal le Dû, coordinateur du programme de recherche de nébuleuses planétaires Planetary Nebulae, qui lui affecte le nombre 56 et ajoute une ligne au catalogue StDr. Bien vite, l’objet StDr56 est surnommé nébuleuse de la « Coupe de feu » (« Goblet of fire »). Mais surtout, il est proprement photographié par un troisième astronome amateur. Entre juillet et novembre 2020, Robert Pölzl accumule 90 heures d’exposition pour saisir la faible lueur en provenance de la nébuleuse. Le sublime portrait ci-dessus résulte de 59 h de données.
« Profondément bizarre »
Par son aspect sphérique, la Coupe de feu semble être une nébuleuse planétaire. Une coquille de gaz en expansion éjecté par une étoile mourante (de masse inférieure à 8 fois celle du Soleil), au moment où le cœur de celle-ci s’effondre pour former une naine blanche. Mais StDr56 présente trop d’anomalies pour coller d’office à cette étiquette. Premièrement, les nuages d’hydrogène (colorés en rouge) et d’oxygène (en bleu) forment de longs filaments, très inhabituels pour une nébuleuse planétaire. Deuxièmement, d’après la distance de la naine blanche centrale (1128 années-lumière), la Coupe de feu s’étendrait sur un diamètre de plus de 14 années-lumière, ce qui est considérable.
Les nébuleuses planétaires tendent à s’estomper bien avant d’atteindre cette taille. Un point qui soulève également la question de l’âge de StDr56. Pour atteindre un tel diamètre à la vitesse d’expansion typique d’une nébuleuse planétaire (à peu près 100 fois plus lente que celle des supernovae), la Coupe de feu aurait dû voyager plus de 80 000 ans. Plus vieux que ce qui est connu pour les autres nébuleuses planétaires. Autant de curiosités qui ont valu StDr56 d’être qualifiée de « profondément bizarre » par l’astronome américain Phil Plait.
Des observations spectroscopiques permettront sans nul doute d’élucider au moins une part de ces mystères. Mais obtenir un spectre à partir d’une si faible luminosité requiert l’usage de télescopes de très grande dimension. Avis aux professionnels…