49 anciens employés de la Nasa reprochent à l'agence américaine d'avoir défendu l'idée selon laquelle le réchauffement climatique serait dû à des causes humaines.
Dans une lettre adressée à Charles Bolden, actuel administrateur de la Nasa, ces climato-sceptiques mettent en cause un parti pris du GISS (Goddard Institute for Space Science) dans les études sur le climat.
Les astronautes d'Apollo mènent la fronde
Au premier rang de cette contestation : Harrison Schmitt, ancien astronaute de la mission Apollo 17 sur la Lune. Avec lui : Walter Cunningham (Apollo 7), Michael Collins (Apollo 11), Richard Gordon (Apollo 12), Al Worden (Apollo 15) et Charles Duke (Apollo 16).
Dans la liste, figure aussi Christopher Kraft, directeur du Centre spatial Kennedy, en Floride, pendant l'ère Apollo.
La Nasa accusée d'être pro-réchauffement
L'acte d'accusation est clair. Dans leur lettre datée du 28 mars 2012 et rendue publique ce 10 avril, il est ainsi rédigé : « Nous croyons que les affirmations de la Nasa et du GISS, selon lesquelles le dioxyde de carbone d'origine humaine a un impact catastrophique sur le changement climatique global, ne sont pas prouvées, spécialement quand elles prennent en considération des milliers d'années de données empiriques.
Avec des centaines de climatologues bien connus et des dizaines de milliers d'autres scientifiques déclarant publiquement leur non-croyance en des prévisions catastrophiques, qui viennent particulièrement du GISS, il est clair que la science n'est PAS établie ».
Un réchauffement prédit dès 1981
Étonnante conjonction : quelques jours plus tôt, le 2 avril 2012, le climatologue néerlandais Geert Jan van Oldenborgh publiait justement sur son blog RealClimate une petite découverte qu'il venait de faire. Il avait retrouvé un article signé James Hansen (l'actuel directeur du GISS) qui avait été publié le 28 août 1981 dans la revue Science.
Dans ce travail scientifique, James Hansen et ses collègues, tenant compte de l'augmentation rapide du CO2 dans l'atmosphère au cours des dernières décennies, modélisaient la hausse des températures pour plus d'un siècle à venir.
Geert Jan van Oldenborgh a eu l'idée de superposer à cette courbe prédictive les données de 31 années d'observations. Résultat : une concordance excellente sur le scénario le plus pessimiste, à savoir celui dans lequel les émissions de CO2 continuent d'augmenter (ce qui a été le cas au cours de ces trois décennies).
L'astronaute d'Apollo 17 Harrison Schmitt réfute tout lien entre l'augmentation
des températures et les émissions de dioxyde de carbone liées aux activités humaines
au cours de ces dernières décennies. © Nasa/GSFC/SVS
Faits contre croyances
Les 49 signataires de la lettre à Charles Bolden n'y croient pas. Pourtant, le 19 janvier 2012, les dernières mesures de températures publiées par le GISS indiquaient que 2011 a été la 9e année la plus chaude depuis 1880 (année des premières mesures). Un phénomène qui n'a rien d'accidentel puisque 9 des 10 années les plus chaudes ont eu lieu depuis 2000.
Des chiffres qui, hélas pour les « papys de l'espace » (et surtout pour l'équilibre de la planète), continuent à bien s'aligner sagement le long de la courbe établie en 1981 par James Hansen. La Nasa leur a d'ailleurs répondu, par la voix de Waleed Abdalati, scientifique de l'agence, en les invitant à se joindre au débat à travers des publications dans des revues scientifiques.
D'autres faits contre d'autres croyances
Devant l'absence d'arguments scientifiques des 49 signataires sur la question, il n'est pas superflu de se demander quels sont les intérêts qu'ils défendent.
Ainsi, Leighton Steward, qui a publié le communiqué de presse et la lettre à la Nasa, est un directeur de EOG Ressources, l'une des plus grandes compagnies pétrolières des États-Unis. Parallèlement, il est le porte-parole de Plants Need CO2, une association qui a pour mission « d'éduquer le public sur les effets positifs de plus de CO2 dans l'atmosphère ».
Quant à l'ex-géologue et ex-astronaute Harrison Schmitt, il est aujourd'hui expert pour un « think tank » nommé Heartland Institute, largement financé par la compagnie pétrolière ExxonMobil.
Retrouvez ce sujet dans les “Clés de l’actu” du numéro de Ciel & Espace de mai 2012, en kiosque le 24 avril.
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