Depuis la France, l’éclipse de Soleil du 10 juin 2021 n’était que partielle. Le spectacle promettait d’être intéressant mais pas grandiose. C’était sans compter sur le coup d’œil de deux astronomes amateurs français. Thierry Legault et Emmanuel Beaudoin ont su saisir un aspect étonnant de cet alignement céleste imparfait et produire deux images très spectaculaires.
Le Soleil, la Lune et l’ISS
Thierry Legault avait choisi de se poster à Mâcon, en Saône-et-Loire. Il voulait photographier l’éclipse au moment précis où la station spatiale internationale (ISS) passait devant le Soleil. Mission réussie grâce à une lunette de 106 mm et un Coronado de 90 mm. Le tout avec un filtre qui permet de voir les protubérances à la surface du Soleil. L’image est résolue au point qu’il est aisé de discerner les principales structures de l’ISS, dont ses panneaux solaires. La scène a un côté irréel car elle montre avec la même netteté la surface solaire, à environ 150 millions de kilomètres de la Terre, le bord de la Lune avec ses reliefs, à quelque 399000 km, et la station spatiale à moins de 400 km.
Les reliefs du pôle sud de la Lune
De son côté, Emmanuel Beaudoin, collaborateur régulier de Ciel & espace, avait sorti son télescope de 200 mm en banlieue sud parisienne, muni d’un filtre de pleine ouverture. Il a cherché à zoomer au maximum sur le contour de la Lune sur fond solaire. Le résultat est stupéfiant : il est aisé de constater que le bord de la Lune n’est pas uniforme mais dentelé par des reliefs assez marqués. Sur le Soleil, outre un groupe de petites taches visibles au bas de l’image, la granulation est mise en évidence. Chacune de ces cellules de convection de la surface solaire mesure environ 1000 km de diamètre.
Une recherche menée avec le simulateur de phases lunaires de la Nasa a permis d’identifier les principaux reliefs lunaires qui se détachent sur la photosphère de notre étoile. Ceux-ci se situent tout près du pôle Sud, une région qui devrait faire l’objet de la prochaine vague d’exploration humaine. Ainsi, la double montagne la plus saillante correspond à des crêtes prononcées situées tout près du cratère Cabeus B. Ce dernier se trouve tout près de Cabeus où, en 2009, l’étage Centaur de la sonde Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO) avait été précipité volontairement pour détecter la présence de glace d’eau. Un autre amateur, Jean-Marc Lecleire, a lui aussi identifié ce double « pic » qui a longtemps été appelé de manière informelle les monts Leibnitz. Cette région très accidentée par de nombreux impacts météoritiques, correspond au bord du grand bassin d’impact South Pole Aitken, qui s’étend sur la face cachée.
Plus à gauche sur l’image, un deuxième relief aux pentes douces est vraisemblablement assimilable à Drygalski, un cratère d’impact de 113 km de diamètre doté d’un pic central.
Enfin, un autre « sommet », encore plus à gauche, correspond au rempart opposé du grand cratère à fond plat Bailly (287 km de diamètre pour 4000 m de profondeur), surélevé par un autre cratère imposant qui se trouve en arrière-plan : Hausen (167 km de diamètre).
Bravo à tous les deux pour ces photos insolites.