Dix sondes frappées par un tsunami solaire

En octobre 2014, une violente éjection de matière par notre étoile a balayé tout le système solaire. Une dizaine de sondes ont pu ressentir son passage, trois autres l'observant à distance. Une étude publiée le 14 août décrypte le phénomène.

Le Soleil connaît régulièrement des sautes d'humeur baptisées « éjection de masse coronale ». Lors de ces CME, toujours spectaculaires, des particules de la couronne solaire sont propulsées à grande vitesse dans l'espace interplanétaire, sous forme de nuages magnétisés. Ces particules, lorsqu'elles frappent la Terre, peuvent provoquer des orages magnétiques et des aurores polaires. Mais elles voyagent bien plus loin.

 

 

Une vague lancée sur plusieurs milliards de kilomètres

Le 19 octobre 2014, les sondes Mars Express, Maven et Mars Odyssey s'apprêtaient à étudier le passage de la comète Siding Spring près de Mars lorsqu'elles ont enregistré une perturbation de l'atmosphère martienne. Une recherche dans les données des sondes solaires a rapidement montré que, cinq jours plus tôt, Stereo-A, Proba-2, Soho et SDO avaient été témoins d'une puissante éruption de masse coronale par notre étoile, qui venait donc d'atteindre Mars.

Cette éruption a balayé un angle de 116° et ses effets se sont faits ressentir sur des milliards de kilomètres. Dans un article publié le 14 août par le Journal of Geophysical Reseach : Space Physics, le français Olivier Witasse et ses collègues montrent qu'au delà des sondes solaires et de celles en orbite martienne, le rover Curiosity sur Mars, mais aussi les sondes Venus Express, Rosetta qui venait de rejoindre la comète Churyumov-Gerasimenko, Cassini autour de Saturne, New Horizons à 4,7 milliards de kilomètres et peut-être même Voyager-2 trois fois et demie plus loin ont tous observé une manifestation du passage de cette CME.

L'éjection de masse coronale du 14 octobre 2014 vue par différentes sondes solaires à différentes longueurs d'onde. Crédit : ESA/NASA

 

1000 km par seconde

Les sondes solaires ont directement vu l'éjection de masse coronale se déployer, à une vitesse estimée de 1000 km/s. Les autres ont systématiquement enregistré un renforcement du champ magnétique et une augmentation du vent solaire. Les instruments scientifiques de Venus Express n'étaient pas activés, cependant la sonde a aussi observé indirectement le nuage magnétisé : à l'instant de son passage, ses senseurs stellaires – qui lui servent à s'orienter par rapport aux étoiles – ont été saturés de radiation.

Curiosity, Mars Odyssey, Rosetta et Cassini ont observé pour leur part une chute brutale de la quantité de rayons cosmiques. Due à l'effet bouclier joué par la CME contre ces particules en provenance de la Galaxie, elle a duré 35 h au niveau de Mars (pour une chute de 20%), et 60 h au niveau de Saturne (chute de 17%). Ces modifications témoignent du ralentissement et de l'élargissement de la bouffée solaire au fil du temps. Sa vitesse au voisinage de Saturne n'était plus que de 500 km/s, et les mesures suggèrent qu'elle a atteint Voyager-2 17 mois plus tard.

 

 

Une éjection de masse coronale avait déjà été observée par plusieurs sondes spatiales auparavant. Mais jamais avec autant d'ampleur, et si loin. Ces mesures in situ doivent permettre de mieux comprendre la propagation d'une CME dans le système solaire.

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