« On l’a fait ! » « Une nouvelle ère de l’astronomie commence », « Les images sont renversantes » « C’est une journée historique ! » De l’administrateur de la Nasa Bill Nelson au prix Nobel de physique John Mather, en passant par le directeur scientifique du JWST, l’enthousiasme est palpable lors de la révélation des toutes premières images du Webb, ce 12 juillet 2022 à 16h30 heure de Paris, depuis le centre Goddard de la Nasa (Maryland).
Les cibles dévoilées ont été sélectionnées par la Nasa, mais aussi ses partenaires, les agences spatiales européenne et canadienne. Elles marquent le début officiel des opérations scientifiques du James Webb qui doivent durer dix, voire vingt ans. Les voici dans l’ordre de leur présentation.
SMACS 0723, le premier champ profond du JWST
Déjà dévoilée le 11 juillet 2022 par Joe Biden et dénommée « First Deep Field du Webb », cette image infrarouge est la plus profonde et la plus nette de l’Univers lointain à ce jour. Elle fourmille de milliers de galaxies, et pourtant, elle couvre un morceau de ciel dont la taille correspond à celle d’un grain de sable tenu à bout de bras.
Au tout premier plan, les étoiles diffractées font partie de notre galaxie. Elles sont relativement proches. L’amas de galaxies spirales plutôt blanchâtres est, lui, situé à 4,5 milliards d’années-lumière. Sa masse colossale déforme l’espace-temps et, ce faisant, fait office de télescope naturel : il concentre et déforme la lumière des galaxies bien plus lointaines, situées elles à 13,1 milliards d’années-lumière. Ces galaxies antédiluviennes apparaissent déformées, sous la forme de petits arcs orangés sur l’image.
« Ce qui me frappe, c’est le niveau de détails. Chaque petit point sur cette image, c’est une galaxie ! s’est enthousiasmé Miguel Montargès, lors du twitch spécial sur notre chaine Ciel&espace. Et tout cela a été obtenu en seulement 12 h de temps de pose. Pour produire le champ profond d’Hubble, jusqu’à présent la référence en matière de champ profond de galaxies, il a fallu 10 jours, et l’image est bien moins profonde et détaillée que celle-ci ! Imaginez ce que ça va donner lorsque le Webb va pointer ce champ pendant plusieurs jours ! »
« Ce qui me fascine aussi, c’est qu’avec cette image, on embrasse tout l’Univers : notre galaxie, toute proche ; l’Univers moyen, vers 4,5 milliards d’années-lumière ; et l’Univers très lointain, très près du big bang, dans lequel on aperçoit les premières structures cosmiques ! » a ajouté l’astronome.
L’atmosphère de l’exoplanète WASP 96b analysée en détail
La deuxième « prise » du télescope James Webb n’est pas une image. C’est un spectre de l’atmosphère d’une exoplanète, c’est-à-dire la décomposition de sa lumière, qui permet d’obtenir des informations sur sa composition.
Le Webb a ainsi capté la signature distincte de la molécule d’eau dans l’atmosphère de WASP 96b, une exoplanète dont la masse est la moitié de celle de Jupiter et qui tourne en seulement 3,5 jours autour de son étoile.
Des molécules ont déjà été détectées dans l’atmosphère d’exoplanètes par le télescope spatial Hubble en 2013, mais cette nouvelle mesure est la plus fine de ce type jamais réalisée. Avec ce spectre, on est cependant loin de l’une des promesses fortes du Webb: caractériser l’atmosphère de super-Terre, voire de planètes de la taille de la Terre, et potentiellement habitables.
La nébuleuse de l’Anneau austral magnifiée
La nébuleuse NGC 3132, dite de l’Anneau austral, est située à 2500 années-lumière de nous. Cette nébuleuse a été sculptée par l’une des deux étoiles centrales. Depuis des milliers d’années, celle-ci envoie des anneaux de gaz et de poussière dans toutes les directions.
Le Webb la révèle avec une finesse telle que de nombreux détails jusqu’ici inconnus apparaissent (à comparer avec l’image de Hubble). « Sur l’image de Nircam, on distingue des structures complètement inédites, commente Miguel Montargès: des voiles de poussières, des arcs de matière, des tentacules émis par les étoiles en formation… À gauche de l’image, on voit même des galaxies d’arrière-plan : l’une vue par la tranche, qui forme un genre de trait, et une galaxie spirale légèrement en dessous à droite. »
NGC 3132 a également été photographié par l’instrument MIRI, qui opère dans l’infrarouge moyen. Si elle est un peu moins résolue, cette image montre clairement que l’étoile centrale est en fait un couple stellaire.
« J’aimerais savoir quel est exactement le code couleur utilisé par les équipes du JWST pour traduire ces photos, s’est interrogé Franck Selsis lors de notre Twitch au sujet de ces nouvelles images signées Webb. Il s’agit de longueurs d’onde infrarouges, donc non perceptibles par l’œil humain. Il me semble qu’ils adoptent le rouge quand il s’agit de l’infrarouge lointain, et le bleu-violet, quand c’est de l’infrarouge proche (c’est-à-dire plus proche du visible).
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Une foule de détails sur le Quintette de Sephan
Le Quintette de Stephan est un groupement visuel de cinq galaxies. Quatre d’entre elles sont en interaction : elles « dansent » ensemble et s’échangent du gaz. Cette vue est une énorme mosaïque, la plus grande image du télescope Webb à ce jour. Elle couvre environ un cinquième du diamètre de la Pleine Lune.
À nouveau, l’œil infrarouge du Webb et sa grande résolution spatiale révèlent des détails inédits dans ce groupe de galaxies (à comparer là aussi avec Hubble). On découvre par exemple au cœur de ces galaxies des amas de millions de jeunes étoiles, de toutes nouvelles régions de formation stellaire. Entre les « danseuses », on voit aussi de grandes queues de marées, c’est-à dire-des structures étirées par les interactions gravitationnelles à l’œuvre entre les galaxies. « L’image de Nircam est superbe, mais celle de l’instrument MIRI (ci-dessous) est encore plus dingue ! s’enthousiasment Franck Selsis et Miguel Montargès. Elles révèlent la structure de chacune des galaxies sous un jour totalement nouveau. »
Les flots évanescents de la nébuleuse de la Carène
« On voit des centaines de nouvelles étoiles en formation que l’on n’avait jamais vues auparavant, des futures étoiles avec leurs futures planètes… C’est dans une région telle que celle-ci que notre Soleil et nos planètes sont nées, et on vient d’en obtenir une vue d’une résolution sans précédent. » Les scientifiques de la Nasa ont gardé le meilleur pour la fin : la nébuleuse de la Carène, la plus vaste de zone de formation d’étoiles de la Voie lactée. Elle devient sous le regard infrarouge du Webb un paysage extrêmement précis dans lequel le gaz est creusé par l’intense rayonnement ultraviolet des étoiles en train de naître, formant ainsi un ensemble de montagnes et de vallées de poussières.
« Les performances du Webb sont conformes, voire supérieure à ce à quoi nous nous attendions, a conclu le responsable scientifique de la mission. À tous les terriens, ce télescope est votre télescope. Il va répondre aux plus grandes questions de la science. Et ce n’est que le début »