Gopal Narayanan peut être content. Car l’Event Horizon Telescope a fonctionné parfaitement. Après dix jours passés au Large Millimeter Telescope, au Mexique, le chercheur de l’Université de Massachusetts sait que sa mission est accomplie. Pendant cette période, son équipe a accumulé assez de données pour pouvoir, d’ici plusieurs mois, produire pour la première fois une photographie d’un trou noir.
Et avec elle, huit autres équipes, dépêchées dans huits observatoires à travers le monde ont réussi la même prouesse. « Les données sont maintenant en route vers les États-Unis et l’Allemagne, où elles seront combinées avec celles des sept autres télescopes dans les prochains mois », explique-t-il. Il manquera encore cependant les mesures d’un télescope, situé au pôle Sud, qui ne pourront être rapatriées qu’à la fin de la nuit polaire australe, d’ici quelques mois.
Alors, dans environ un an, au terme d'un fastitideux travail de recombinaison des observations, les astronomes devraient pouvoir « développer » leur photo historique montrant la silhouette d’un trou noir.
Cinq sessions d’observation pour neuf télescopes
Le pari était pourtant difficile à tenir. Au cours d’une fenêtre de dix jours, neuf observatoires millimétriques répartis sur toute la planète devaient observer à cinq reprises, simultanément, les deux mêmes cibles célestes : le centre de la galaxie M87 et le centre de la Voie lactée, Sagittarius A*.
Tout cela pour obtenir la résolution d’un télescope virtuel du diamètre de la Terre (soit 12000 km) et réussir à voir pour la première fois l’ombre des trous noirs massifs qui se trouvent dans ces galaxies. Mais cela exigeait qu’aucun des observatoires impliqués n’ait de problème technique et que la météo soit favorable sur chacun des sites.
Un élément central : le Large Millimeter Telescope
Pour la circonstance, Gopal Narayanan s’est rendu au Mexique avec ses collègues de l’université de Massachusetts. Là, dans l’État de Puebla, au sommet du volcan endormi Sierra Negra, à 4600 m d’altitude, se trouve le plus gros télescope du dispositif : le Large Millimeter Telescope.
Si toute la surface de sa parabole mobile de 50 m de diamètre n’est pas encore entièrement opérationnelle (seuls 32 m sont en service), il est le télescope le plus sensible de l’Event Horizon Telescope. D’où son importance.
Une acquisition des données réussie
Dès le 4 avril 2017, les conditions étaient réunies pour que tous les observatoires impliqués se lancent. Les choses ont même commencé sur les chapeaux de roues : « Les trois premières nuits, à partir du 4 avril, nous avons réussi à obtenir trois nuits consécutives d’observations avec une météo coopérative sur tous les sites, décrit Gopal Narayanan. Ensuite, nous avons eu deux nuits d’arrêt à cause de mauvais temps sur deux sites. »
L’équipe en a alors profité pour se reposer un peu. Il faut dire que les conditions étaient particulièrement éprouvantes : des montées incessantes à 4600 m d'altitude pour des sessions de 8 à 16 heures d’affilée ! Puis il a fallu régler quelques problèmes techniques sur le télescope.
« Les nuits du 9 et du 10 avril, nous avons à nouveau “déclenché” et obtenu deux excellentes nuits d’observation en plus », conclut Gopal Narayanan. Cinq nuits, c’est tout ce qu’il fallait pour réussir la photo du trou noir central de la Voie lactée. Les astronomes ont donc engrangé les données nécessaires.
On attend maintenant le cliché reconstitué à partir des données de chacun des neuf observatoires qui ont constitué l’Event Horizon Telescope.