C’était inimaginable il y a encore quelques années : voir des cratères à la surface d’astéroïde sans sonde spatiale. Cette galerie de 42 portraits détaillés d’astéroïdes situés entre Mars et Jupiter n’est même pas l’œuvre du télescope spatial Hubble : il ne va pas si loin en résolution ! Ces images sont prises depuis le sol avec le Very Large Telescope, au Chili. L’un des quatre télescopes de 8,2 m de l’observatoire est équipé de ce qui se fait actuellement de mieux en termes d’optique adaptative. Ce dispositif est capable à l’aide de miroirs déformables de corriger la turbulence atmosphérique plusieurs centaines de fois par secondes. Ces ondulations de l’air visibles au télescope sont comparables à celles que l’on voit au-dessus d’une surface goudronnée en plein Soleil.
Mieux, l’instrument SPHERE/ZIMPOL utilisé ici est un des rares au monde à effectuer ces corrections dans le domaine visible, et non dans l’infrarouge comme la majorité des instruments de ce type. Et c’est cela qui permet d’aller plus loin que Hubble en résolution, car plus la longueur d’onde observée par un télescope est courte (plus elle est vers le bleu), plus il est capable de voir de fins détails.
Le monde des astéroïdes se divise en deux
Bien entendu, si le VLT passe autant de temps sur ces petits corps, ce n’est pas simplement pour leur tirer le portrait. Il y a de nombreux objectifs scientifiques à la clé pour l'équipe de Pierre Varnazza, du LAM, qui a dirigé ce projet. En particulier, le plus grand résultat obtenu est la mise en évidence de deux familles bien distinctes dans la Ceinture d’astéroïdes. D’un côté, des corps riches en eau formés au-delà de Jupiter. De l’autre, des objets plus denses pauvres en eau comme Vesta. La forte gravitation de Jupiter formait une barrière entre un monde froid éloigné du Soleil et un monde chaud proche de notre étoile. Ce n’est que plus tard, au gré des migrations des planètes géantes dans le Système solaire, que les populations se sont mélangées.
Parmi les astéroïdes visés, l’un d'eux a une forme très atypique rapellant celle d’Oumuamua. Il s'agit de Kleopatra, dont la sigularité a fait l'objet d'une publication scientifique à part entière, nous lui avons consacré un podcast.