« Nous renverrons des Américains sur la Lune, pas seulement pour y laisser des empreintes de pas et des drapeaux, mais pour bâtir les fondations dont nous avons besoin pour envoyer des Américains sur Mars et au-delà. » Par ces mots, en guise d’ouverture du Conseil national sur l’espace, le vice-président des États-Unis, Mike Pence, a clairement indiqué le cap pour le spatial américain.
Dans le hall du musée national de l’Air et de l’Espace, près de Washington, devant la navette spatiale Discovery exposée au public, il a dressé un constat face à un parterre d’experts et d’élus :
Plutôt que de mener, nous avons souvent choisi de dériver. Et, comme nous l’avons appris il y a soixante ans, quand nous dérivons, nous sommes derrière.
Après cette allusion appuyée au succès soviétique du lancement du premier satellite artificiel pendant la guerre froide, Mike Pence a ensuite précisé l’intention qui sous-tend l’objectif :
Nous sommes résolus, sous la houlette du président Donald Trump, de ne jamais laisser l’Amérique à la traîne dans la course à l’espace. L’Amérique va mener à nouveau.
Et de conclure son discours introductif par un « mettons-nous au travail » péremptoire.
La renaissance du Conseil national sur l’espace
Par cette réunion relayée en direct en même temps que deux astronautes américains effectuaient une sortie dans l’espace sur la station internationale, Mike Pence a ressuscité une institution créée en 1989 par le président George Bush (père) au sein des bureaux exécutifs de la Maison Blanche et qui avait été dissoute en 1993 par Bill Clinton.
Composé de plusieurs membres du gouvernement et de l’administrateur de la Nasa, ce Conseil a auditionné divers acteurs du secteur spatial privé mais aussi des militaires, afin d’obtenir leurs recommandations quant à l’objectif annoncé en préambule. La session, qui a duré près de 3 heures, a permis de passer en revue trois axes essentiels de la politique spatiale américaine : l’exploration, le commerce et la défense.
Une exploration internationale sous domination américaine ?
Un premier panel composé des représentants des sociétés Lochkeed-Martin, Boeing et ATK est venu débattre des projets en cours concernant l’exploration de l’espace, au-delà de l’orbite circumterrestre. Ces industriels ont assuré qu’avec une feuille de route claire et le financement adéquat, ils allaient pouvoir mener à bien le projet de lanceur lourd SLS et de vaisseau Orion.
Dave Thompson, le PDG d’ATK (la société qui fabrique les propulseurs à poudre du SLS, dérivés de ceux des navettes spatiales), a même fait preuve d’un bel optimisme en déclarant que :
Les astronautes américains pourront effectuer plusieurs voyages dans l’environnement lunaire pendant les cinq prochaines années.
Rex Tillerson, secrétaire d’État (ministre des Affaires étrangères), a demandé aux trois responsables quelle architecture ils entrevoyaient pour une collaboration internationale en matière d’exploration de l’espace. Après avoir dit que le modèle de l’ISS était bon, Dennis Muilenburg, PDG de Boeing, a répondu avec force :
La clé du succès est un leadership américain
Conclusion des trois représentants de compagnies privées : la collaboration internationale doit se poursuivre, notamment avec l’Agence spatiale européenne (ESA), qui a été citée comme un excellent partenaire.
Une prédominance des questions de défense
Ensuite, les représentants de SpaceX, Blue Origin et Sierra Nevada sont venus assurer le vice-président que leur engagement dans la desserte de l’orbite terrestre. Gwynne Shotwell, de SpaceX, après avoir rappelé qu’il était temps pour « l’action rapide et courageuse », a pour sa part avancé que la société d’Elon Musk proposerait son aide dans le développement d’installations lunaires.
La Conseil est ensuite passé aux questions de défense relatives à l’espace. Maintien à jour du GPS, militarisation et armement dans l’espace ont été des thèmes longuement abordés. Sur ce point, Mike Griffin, ancien administrateur de la Nasa, a déclaré :
Nous ne pouvons que décider de coller au même niveau et dépasser nos adversaires qui arment l’espace.
À la fin de la réunion, le vice-président Mike Pence a rappelé que chacun disposait maintenant de sa feuille de route et qu’il attendait des préconisations d’actions concrètes dans 45 jours afin de les présenter au président Trump.
45 jours pour faire des propositions
Les prochains mois permettront de dire si, au-delà des intentions affichées, de véritables programmes sont lancés vers la Lune. Le contexte y est favorable, notamment avec la proposition européenne de « village lunaire », avancée par Jan Woerner, directeur général de l’ESA.
Mais ce ne serait pas la première fois qu’une administration américaine fait des annonces de retour sur la Lune sans qu’elles soient suivies d’effet : George Bush l’avait fait en juillet 1989, et son fils George W. Bush avait remis le couvert en 2004 avec le programme Constellation.
Le lanceur lourd SLS et le vaisseau Orion en cours de développement aujourd’hui sont les rescapés de ce programme qui avait été annulé par Barack Obama. Ils peuvent constituer une base solide pour les ambitions affichées de l’administration Trump. Wait and see…
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