La guerre en Ukraine a fini, au bout de quelques jours, par avoir des conséquences sur les activités spatiales. Ce 26 février 2022, par un tweet, Dimitri Rogozin, le directeur général de l’agence spatiale russe Roscosmos, a annoncé : « En réponse aux sanctions de l’Union européenne (UE) contre nos entreprises, Roskosmos suspend la coopération avec des partenaires européens dans l'organisation de lancements spatiaux depuis le cosmodrome de Kourou et retire son personnel, y compris l'équipage de lancement consolidé, de la Guyane française. »
Concrètement, plus aucune fusée Soyouz ne décollera de Guyane. Car la Russie a rappelé ses 87 ressortissants présents au Centre spatial guyanais. Or, sans eux, aucune campagne de lancement ne peut avoir lieu. Depuis octobre 2011, Arianespace, en collaboration avec Roscosmos, lance en effet des satellites avec la fusée Soyouz, à la fois de Guyane et de Russie. Le prochain décollage prévu le 5 avril 2022 concernait l’envoi d’une série de satellites Galileo, l’équivalent européen du GPS.
Vers 17 h, ce même 26 février, Thierry Breton, commissaire européen pour l'espace, a pris acte de la décision de Roscosmos et a indiqué dans un communiqué de presse : « Je confirme que cette décision n'a pas de conséquences sur la continuité et la qualité des services de Galileo et de Copernicus. » Il ajoute : « Nous prendrons toutes les décisions appropriées en réponse à cette décision en temps voulu et continuerons résolument à developper la deuxième génération de ces deux infrastructures spatiales souveraines de l’UE. »
Questions sur l’ISS
Cette nouvelle arrive après que l’ESA a fait savoir, ces derniers jours, que toutes les activités spatiales en collaboration avec la Russie se poursuivaient normalement, tout en indiquant suivre avec attention l’évolution de la situation. Car jusque-là, les sanctions prises par l’UE ne concernaient pas le secteur spatial. Mais la Russie a décidé, précisément en réponse à ces sanctions, de suspendre la collaboration.
Un impact sur les projets en cours était cependant à prévoir. Avant même les sanctions internationales à l’encontre de la Russie, Dimitri Rogozin a rappelé à la Nasa que, sans les vaisseaux automatiques russes Progress, elle ne disposait d’aucun moyen de garder la Station spatiale internationale (ISS) sur son orbite. En effet, jusque-là, ce sont les Progress qui grâce à leurs moteurs, permettent de rehausser régulièrement l’altitude de l’ISS. Dans son langage cru et souvent menaçant, Dimitri Rogozin avait même déclaré le 24 février à l’adresse des pays occidentaux : « Si vous bloquez la coopération avec nous, qui sauvera l'ISS d'une désorbitation incontrôlée et tombera sur les États-Unis ou… l’Europe ? Il est également possible de faire tomber une structure de 500 tonnes en Inde et en Chine. Voulez-vous les menacer avec une telle perspective ? L'ISS ne survole pas la Russie, donc tous les risques sont à vous. Êtes-vous prêt à les courir ? » Si pour l’heure, rien n’a été annoncé à propos de l’ISS, la menace existe.
Une autre question plus immédiate concernant l’ISS pourrait surgir prochainement : l’astronaute américain Mark Vande Hei, qui a rejoint le complexe orbital en avril 2021 à bord du Soyouz MS-18 et qui avait cédé sa place pour le retour à l’équipe d’acteurs russes venus tourner un film à bord, aura-t-il un vaisseau pour revenir sur Terre ? Il doit en principe rentrer à l’aide d’un Soyouz… Mais pour l’heure, les mesures prises par Roscosmos n’impliquent pas les accords avec les États-Unis, uniquement ceux avec l’Europe.
Exomars menacée ?
L’Europe collabore étroitement avec la Russie sur un autre projet spatial : la mission Exomars. En octobre 2022, elle doit théoriquement décoller de Baïkonour à bord d’une fusée russe Proton. L’un de ses objectifs est de déposer sur la planète rouge le robot mobile européen Rosalind Franklin, au moyen d’un atterrisseur russe.
Le rover est encore en Europe actuellement. Mais il doit être acheminé en Russie au cours du printemps à bord d’un avion-cargo russe. Compte tenu des tensions actuelles, il est à redouter une remise en cause de cette mission qui, reportée plusieurs fois, avait été encore repoussée de deux ans pour des raisons techniques. Affaire à suivre.