Selon un article du « Journal de Montréal », dont les informations ont depuis fait le tour du monde, le jeune William Gadoury aurait en effet mis au jour un plan caché dans la distribution des cités mayas : plutôt que de s'appuyer sur la localisation des ressources, des voies d'accès ou du relief — essentiels tant au développement d'une métropole que de sa défense —, les Mayas auraient fondé leurs villes de manière à ce qu'elles reproduisent, au sol, le tracé des constellations !
Un souci de l'astronomie qui va bien au-delà de tout ce que l'on croyait savoir sur les Mayas, et qui aurait même permis à l'adolescent — cerise sur le gâteau — de découvrir sur des images satellites les indices d'une nouvelle cité sous la dense forêt équatoriale.
Il resterait à monter une expédition pour la révéler totalement, car elle aurait échappé aux archéologues qui sillonnent la péninsule du Yucatán depuis des décennies.
Consternation et franche rigolade
Fadaises ? Au laboratoire Archéologie des Amériques (CNRS-Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), on hésite en tout cas entre franche rigolade et consternation.
« Les médias qui reprennent cette histoire se couvrent de ridicule. Cette planification de l'emplacement des cités en fonction des constellations est une aberration. Les constellations sont des constructions culturelles. Les nôtres viennent des Grecs et nous n'avons pas de vision claire de ce qu'étaient les constellations mayas ! Par ailleurs, les villes mayas n'ont pas toutes été fondées de concert. Elles n'ont même pas été occupées en même temps », s'étrangle l'archéologue Marie-Charlotte Arnauld, directrice de recherche émérite au CNRS.
Croire qu'elles ont été disposées selon une carte des étoiles reviendrait à nier 3000 ans d'histoire, ponctués de guerres, d'abandons, de fondations nouvelles et des stratégies politiques et économiques. Autant de contingences qui, dans l'évolution d'une civilisation, pèsent bien plus que le souci de l'astronomie...
« La meilleure façon de rechercher des sites mayas est d'étudier les sols — chercher les zones fertiles — et la topographie. Il faut se souvenir que les Mayas constituaient une civilisation agricole, préindustrielle », souligne pour sa part Anabel Ford (université de Californie à Santa Barbara).
Fermiers émérites et fins connaisseurs de leur forêt, les Mayas furent d'abord des cultivateurs mobiles (il y a 8000 à 4000 ans), avant de se sédentariser en utilisant la technique agricole de la milpa (variante maya de la technique des trois soeurs) puis, là où les fermiers étaient les plus concentrés, en fondant des centres urbains.
Bref, « si les considérations astronomiques ont certainement joué un rôle dans l'édification de certains édifices mayas (pas tous !), elles n'ont eu aucune influence sur les sites de fondation des villes elles-mêmes », insiste Charlotte Arnauld - pour qui le nouveau site potentiellement « découvert », qui ressemblerait à un village avec une pyramide de 87 m de haut, présente des caractères aberrants.
Papier calque et rapporteur
Magnanime, Anabel Ford estime que « l'intérêt de toute cette histoire, c'est la façon dont le jeune Gadoury a mené sa recherche ». Il est parti d'une hypothèse — peu crédible, certes, et surtout démentie par les connaissances archéologiques — et a cherché à la valider.
Mais aligner des points à l'aide d'images satellites, de papier calque et d'un rapporteur ne suffit pas. Surtout lorsqu'on prétend que la méthode fonctionne aussi pour expliquer l'emplacement de cités aztèques, incas, et même harappas en Inde !
Saluons donc l'enthousiasme et la ténacité du jeune homme (trois ans de travail), souhaitons-lui de belles années d'étude... et regrettons l'emballement médiatique.
Quant aux Mayas, non, ce n'étaient pas des crétins.
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