Le 14 septembre 2015, à 11 h 51, pour la première fois, les deux interféromètres LIGO situés aux Etats-Unis ont enregistré le passage d'une onde gravitationnelle.
Cette infime déformation de l'espace-temps a été détectée avec 7 millisecondes d'écart par les deux instruments séparés par 3000 kilomètres. De sorte que sa réalité ne fait aucun doute.
Le signal est d'ailleurs parfaitement en accord avec ce que les théoriciens attendaient dans le cas de la fusion de deux trous noirs. Ceux qui ont été observés avaient une masse respective de 29 et de 36 fois la masse du Soleil.
La forme du signal complexe détecté par LIGO montre que les deux objets finissent par n'être plus qu'à quelques centaines de kilomètres l'un de l'autre. Or, seuls des trous noirs permettent d'expliquer une telle masse confinée dans une si petite zone de l'espace.
Les scientifiques désignent ces trous noirs sous l'appellation GW150914. Le résultat de la fusion des deux astres est un nouveau trou noir d'une masse de 62 masses solaires, et non 65 masses solaires comme on pourrait s'y attendre.
Les 3 masses solaires manquantes sont précisément celles qui ont été dissipées sous la forme d'énergie gravitationnelle. La quantité d'énerige libérée est collossale, elle répond à la fameuse loi d'Einstein E=mc² (l'énergie vaut la masse multipliée par le carré de la vitesse de la lumière).
Ci-dessus : les enregistrements du passage de l'onde gravitationnelle par les deux interféromètres LIGO (en haut et au centre), conformes à la prédiction (trait fin sur les deux premiers graphes) et cohérent entre eux (en bas).
Un événement à 1,3 milliard d'années-lumière
Les mesures réalisées ont permis de localiser la coalescence de ces deux astres compacts dans une région du ciel austral qui inclue la galaxie naine du Grand Nuage de Magellan, située à 158000 années-lumière. Mais l'événement responsable des ondes gravitationnelles est survenu bien plus loin, à quelque 1,3 milliard d'années-lumière.
Pas de contrepartie visible
La direction dans laquelle se situe le trou noir n'est pas connue précisément. La zone d'incertitude fait la taille d'une grande constellation (600 degrés carrés), soit un peu plus de 1% de la taille de la voûte céleste.
Le programme de détection a alerté les chercheurs quelques minutes après le passage de l'onde. Sous quelques heures, les chercheurs ont partagé entre eux l'alerte par mail.
C'est seulement deux jours plus tard, ils ont lancé l'alerte à une vingtaine d'observatoires suceptibles d'identifier la source dans différents domaines de longueurs d'onde, des rayons X aux rayons gamma.
Hélas, rien n'a été identifié. "En fait, nous ne savons pas à quoi nous attendre. Il est possible que, dans le cas de trous noirs il n'y ait aucune contrepartie visible, car ils ont “fait le ménage” : il n'y a plus de disque de matière autour d'eux", nous a précisé Éric Chassande-Mottin, du laboratoire Astroparticules et cosmologie de l'université Paris Diderot.
En revanche, les chercheurs s'attendent à pouvoir observer des contreparties lorsqu'il s'agit d'une collision impliquant une naine blanche. Celles-ci pourraient expliquer les sursauts gamma très brefs.
À terme, lorsque VIRGO sera opérationnel à la fin de l'année, la localisation dans le ciel sera plus précise. Mais les chercheurs devrons aussi être plus réactifs pour lancer l'alerte. Là, ils ont clairement été pris de court. En fait, le début officiel des opérations de LIGO avait lieu le 18 septembre 2015. La détection a donc eu lieu 4 jours avant ! "Heureusement l'instrument avait une stabilité nominale depuis le 12 septembre", rassure Nicolas Leroy, de l'IN2P3.
La simulation de la collision
Les deux trous noirs impliqués ont fusionné à une vitesse de 200 000 km/s, ce qui représente les deux tiers de la vitesse de la lumière. Cette collision a émis sous forme d'énergie gravitationnelle l'équivalent d'une masse égale à trois fois celle du Soleil.
La vidéo ci-dessous montre en simulation ce qui a été observé (la fusion de deux trous noirs).
Un effet infime
Sur son passage, l'onde gravitationnelle générée par ce cataclysme cosmique a déformé l'espace-temps. Ainsi, la Terre a été légèrement distordue de manière très éphémère. C'est cette distorsion que LIGO a détecté.
Mais sur la longueur de l'instrument (deux bras de 4 km), la déformation n'a pas excédé la moitié du diamètre d'un proton. "Nous sommes capables de mesurer des déplacements un milliard de fois plus petits que la taille d'un atome", a souligné Benoit Mours, du laboratoire de physique des particules d'Annecy.
L'un des interféromètres de LIGO, aux États-Unis, qui a permis
la détection des premières ondes gravitationnelles. © LIGO Laboratory.
Compte tenue de la précision de l'interféromètre, le signal enregistré ne fait aucun doute. Cent ans après la théorie de la relativité générale publiée par Einstein, l'une de ses prédictions a donc été vérifiée.
Cette observation ouvre la voie à une nouvelle astronomie qui va étudier les trous noirs et les astres compacts comme les étoiles à neutrons par un autre biais que celui des rayonnements électromagnétiques.
Les chercheurs n'hésitent pas à parler d'une révolution dans le domaine de l'observation comparable à la première utilisation d'une lunette par Galilée, il y a 400 ans. C'est véritablement une nouvelle fenètre sur l'Univers, et maintenant que les instruments sont au point, les découvertes devraient s'enchaîner.
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