L’ancien administrateur de la Nasa, Michael Griffin, juge “irresponsables” plusieurs conclusions du comité Augustine sur l’avenir du programme spatial américain. Sa réaction, exprimée dans un e-mail rendu public par le quotidien américain “Orlando Sentinel”, ne s’est pas fait attendre. Seulement deux jours après que le comité pour l’évaluation des vols habités, dirigé par Norman Augustine, ait diffusé les grandes lignes de son rapport (le document complet ne sera divulgué que d’ici deux semaines), l’ancien patron de la Nasa se montre très critique envers le panel d’experts. En particulier sur l’estimation des coûts nécessaires pour que le programme Constellation permette à des Américains de marcher sur la Lune vers 2020. Le comité insistait sur le fait que 3 milliards de dollars supplémentaires par an seraient indispensables, faute de quoi le programme resterait sur une trajectoire non viable. Pour Michael Griffin, “si la commission estime que la Nasa évalue mal les coûts, ou qu’elle interprète mal les données qu’elle a amassées, elle devrait argumenter sur ce point”.
Sa réaction à l’idée de laisser au secteur commercial le lancement des vaisseaux habités vers l’orbite basse (en se passant d’Orion et d’Arès 1) est sans appel : “Quel secteur commercial ? À présent, la seule option “commerciale” clairement disponible est Ariane 5”. Même le Soyouz russe, qui ne peut emporter que 3 astronautes serait selon Michael Griffin insuffisant pour desservir la station spatiale internationale (ISS). Quant aux moyens privés américains, ils sont inexistants et ne sont pas près de voir le jour. “Mettre l’exploitation et l’utilisation de l’ISS en otage de l’émergence d’un secteur spatial commercial n’est pas risqué, c’est irresponsable”, conclut Michael Griffin.
L’ancien directeur de la Nasa, chargé en 2004 par le président George Bush de lancer le programme de retour sur la Lune, est également très critique sur le plan technique. Le comité Augustine, qui cite plusieurs fois les problèmes d’Arès 1, s’est en effet montré plutôt opposé au développement de ce lanceur, préconisant même de l’abandonner au profit d’un seul lanceur lourd baptisé Arès 5 Lite. Griffin défend le travail accompli en mettant en avant que certains observateurs compétents au sein de la Nasa ne trouvent pas les problèmes techniques si graves. De plus, l’agence spatiale américaine travaille déjà à leur résolution. Il finit par une remarque cinglante : “Les autres options n’ont pas de problème parce qu’aucun travail n’est fait.”
Quant à l’abandon de l’architecture “Arès 1 + Arès 5” au profit d’une seule Arès 5 Lite (10 % moins puissante qu’Arès 5), Michael Griffin juge cette idée “difficile à comprendre”. Avec une capacité d’emport qui passerait de 160 à 140 tonnes, Arès 5 Lite augmenterait significativement le coût d’une mission lunaire simple. Difficile à soutenir dans un environnement budgétaire déjà difficile. Enfin, Michael Griffin balaye d’un revers de main une idée évoquée par le rapport préliminaire du comité : celle consistant à placer sur orbite des “dépôts de carburant” afin que certains lanceurs légers puissent “refaire le plein” pour s’élancer vers la Lune : “C’est une solution source de problème”.
Pour l’heure, la Maison Blanche n’a émis aucune réaction. Barack Obama attend d’avoir en main le rapport complet qu’il a commandé au comité Augustine avant de faire tout commentaire. Ses décisions ne seront connues qu’après avoir muri les conclusions du comité.
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