Quels souvenirs vous laisse la comète Tsuchinshan-Atlas ? À Ciel & espace, elle aura fait l’objet de nombreuses discussions tout au long de l’année, la plupart évidemment portant sur le pronostic de sa luminosité. Découverte début 2023, annoncée sur notre site web en mars de la même année, tiendrait-elle ses promesses ? Tandis qu’elle s’éloigne définitivement, quatre journalistes astronomes amateurs partagent leur expérience du passage de la grande comète de 2024...
Beau temps aux étangs ! par Jean-Luc Dauvergne
Avec l’arrivée de Tsuchinshan-Atlas, j’étais très déterminé à profiter de l’effet de diffusion de la lumière du Soleil à travers sa queue de poussières. L’effet était maximal le 9 octobre 2024, puis déclinait jusqu’au 15 octobre 2024. La météo a été difficile, mais enfin, une fenêtre météo s’est dessinée le 13 dans le Morvan, vers les étangs de Vaux. La proximité de l’eau offrirait un bel avant-plan et un beau reflet sur les photos. Cette zone était prise en tenaille entre les nuages bas au nord et les nuages hauts au sud. La petite bande dégagée orientée est-ouest, c’était parfait. Comme pour les aurores du 10 octobre dans un contexte météo plus difficile encore, mais ça m’avait porté chance, j’ai remis ma confiance entre les mains des prévisions du site Ventusky…
L’essentiel des 3 heures de route se sont fait sous les nuages. C’est là qu’il faut savoir garder la tête froide par rapport aux prévisions, même si ça ne fonctionne pas à tous les coups. Effectivement, à quelques dizaines de kilomètre des étangs, le ciel s’est éclaircit. Il ne restait plus qu’à croiser les doigts pour que la brume ne tombe pas trop vite.
Arrivé sur place, je profite du crépuscule pour installer d’un téléobjectif de 200-600 mm, et un autre appareil avec un objectif de 85 mm acheté pour l’occasion. Je balaye l’ouest aux jumelles. Le noyau de Tsuchinshan-Atlas ne tarde pas à se montrer. Dans les dizaines de minutes qui suivent, la vision de la comète est de plus en plus impressionnante. Rapidement, la queue devient visible. Elle est même évidente au bout d’un moment en vision directe. C’est là que je décide de prendre l’appareil photo monté sur le téléobjectif pour prendre des clichés à plus courte focale, avec un 35 mm. Finalement, cette série sera la plus payante avec un beau reflet de la comète dans l’eau.
Tout s’est joué très rapidement. J’ai profité de la comète, mais la prise de vue demande de la concentration. Ce n’est finalement que quelques jours plus tard en revoyant les images brutes sans traitement, en particulier celles prises avec l’objectif de 85 mm que j’ai réalisé à quel point ce que j’ai vu était grandiose.
Cette vision de la comète du 13 octobre a clairement dépassé celle de Neowise en 2020. Par la suite, j’ai eu d’autres occasions de la suivre le Vexin, l’Eure-et-Loir, la baie de Somme, de nouveau le Morvan, et même depuis Paris autour de la Pleine Lune (quelques time-lapses sont publiés sur ma chaîne Youtube).
Ce qui m’a frappé, c’est à quel point cette comète a joué les prolongations. Je m’attendais à ce que son intérêt s’effondre en une semaine, mais la queue est restée bien visible aux jumelles pendant deux semaines. Même dans la période où elle a atteint la magnitude 6 fin octobre, elle demeurait superbe dans petite lunette de 72 mm. La queue se montrait encore sous un angle de 3 à 4°. Habituellement, une comète de magnitude 6 est surtout intéressante en photo. C’est à ça que l’on voit que Tsuchinshan-Atlas était une grande comète : pour le moment, la plus belle du XXIe siècle dans l’hémisphère Nord.
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Notre hors-série Le ciel en 2025, pour découvrir l’astronomie toute l’année
Deux soirées, deux ambiances par David Fossé
Enfin ! Annoncée depuis des mois, promettant d’être la plus belle comète de ces vingt dernières années, nous ayant même convaincu qu’il fallait consacrer un hors-série de Ciel & espace aux comètes, Tsuchinshan-Atlas a d’abord été décevante dans l’hémisphère Nord. Ce n’était pas vraiment de sa faute : stimulés par les superbes clichés qui nous venaient du Sud, trop impatients sans doute, nous avons été nombreux à tenter de la voir alors qu’elle était encore très basse sur l’horizon. Au matin, dans les derniers jours de septembre, combien d’entre nous s’y sont cassés les dents ! La météo, en plus, n’était pas de la partie…
Personnellement, après deux tentatives infructueuses, j’ai fini par l’apercevoir le 3 octobre, à 2° de l’horizon. Pas à l’œil nu, ni aux instruments, mais sur un cliché pris à l’aveugle et après un rapide traitement. Ce n’était pas glorieux – la photo montre une petite tache floue dans les lueurs de l’aube – mais c'était un début.
En réalité, ma vraie rencontre avec Tsuchinshan-Atlas a eu lieu deux semaines plus tard. Le 11 octobre, lors du retour de la comète dans le ciel (du soir), j’avoue ne m’être pas précipité. La comète me paraissait trop basse. Les jours suivant la météo fut exécrable. Il fallait vraiment avoir la motivation de Jean-Luc — ce en quoi il avait raison — pour faire des dizaines ou des centaines de kilomètres à la recherche d’une hypothétique trouée dans les nuages. C’est donc 17 octobre, par une très belle soirée sur les bords du golfe du Morbihan, que j’ai enfin vu et photographié une comète digne de ce nom (cliché ci-dessus).
Huit jours plus tard, séduit par la sérénité des lieux, j’y retournais. Tous les astrophotographes assuraient que la comète était encore belle ! Cette fois le ciel était un peu menaçant à l’horizon, mais Tsuchinshan-Atlas était plus haute dans le ciel, et pas très éloignée de la Voie lactée. Suivant les conseils donnés dans notre hors-série « Réussir vos premières photos du ciel » (j’en suis à peu près là…), j’avais décidé de prendre plusieurs clichés pour pouvoir les additionner avec le logiciel Sequator. Les nuages ont rapidement caché la comète. Je n’ai pas pu faire autant d’images que je le souhaitais, mais le logiciel a fait des miracles et finalement, grâce à Photoshop (mes premiers pas, là aussi), j’ai pu en tirer l'image ci-dessous où l’on voit la Voie lactée, la comète, et une averse qui douche l’une des îles du golfe.
Tsuchinshan-Atlas a tenu en effet ses promesses. Mieux, elle m’a permis de découvrir qu’avec un peu de matériel (un Sony Alpha 7sII acheté d’occasion) et surtout de bon conseils, on peut faire ses premiers pas en astrophoto. Vivement la suite !
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En une du Ciel & espace 598 : dossier spécial Les limites de l’Univers
La comète et le moulin par Guillaume Langin
Dans les jours précédant ma soirée d’observation de l’astéroïde Shestaka par occultation stellaire, prévue le 23 octobre 2024, j’ai arpenté Google Earth à la recherche d’un site paisible, accessible en voiture et dégagé sur le ciel. Mais ce que j’espérais secrètement était de trouver un joli avant-plan pour faire d’une pierre deux coups, et enfin immortaliser Tsuchinshan-Atlas. Faute de météo favorable, la comète de « la montagne pourpre » m’avait échappé jusque-là. C’est ainsi qu’au détour d’un champ de céréales, je suis tombé sur le Moulin de la Garenne, à Ymonville en Eure-et-Loir.
À la tombée du jour, un habitant de la commune promenant son chien m’a informé que l’édifice étant classé monument historique, il resterait éclairé toute la nuit. Mauvaise nouvelle ! Moi qui comptais jouer avec l’ombre de ce symbole de la Beauce, à en croire le panneau d’animation vu sur l’autoroute A10 quelques instants plus tôt. J’ai aussitôt éloigné mon premier trépied pour reléguer le moulin au coin inférieur gauche de mon champ, dans l’optique de le rogner au cas où il apparaitrait trop éblouissant sur mes poses longues.
Du coucher du soleil à 23 heures, mon Canon 1100D sorti des cartons pour l’occasion a « shooté » en mode automatique la Voie lactée et la constellation du Serpentaire dans lequel se trouvait Tsuchinshan-Atlas. Réglage du zoom : 18 mm de focale. Puis 50 mm peu avant le coucher de la comète, au-dessus de la commune voisine. Aux côtés de ce premier appareil photo, j’ai installé un second trépied portant mon Canon 7d mark II, équipé d’un zoom 80-200mm. De la même façon, l’instrument a enchainé les clichés, seul, pendant que je m’affairais à observer l’astéroïde Shestaka.
Une fois l’occultation passée, j’ai pointé vers la comète le Newton 150/750 que l’on m’avait prêté ce soir-là. Sur les prises uniques d’un time-lapse en cours de montage, le ballet des avions volant à basse altitude vers la piste d’atterrissage de l’aéroport d’Orly est incessant. Mais au moyen de ce tutoriel vidéo de Ciel & espace pour l’utilisation du logiciel Sequator, les zébrures métalliques s’effacent pour mieux laisser paraitre l’astre chevelu.
Une comète élusive par Philippe Henarejos
Contrairement à Hale-Bopp, l’une des grandes comètes du siècle précédent, Tsuchinshan-Atlas ne restait pas longtemps en vue depuis la Terre. Après son passage dans le ciel austral et son virage serré au ras du Soleil, elle ne croisait que quelques jours dans le ciel boréal. De début octobre à la fin octobre. Difficile, dans ces conditions, de bien la voir, surtout avec une météo assez défavorable pour l’Hexagone. Ajoutez à cela quelques aléas liés au travail, et je n’ai pu la rechercher que le 28 octobre. Elle était déjà à 130 millions de kilomètres de la Terre. Son éclat avait considérablement chuté. Et pour ne rien arranger, je l’ai recherchée dans le pire ciel de France du point de vue des objets diffus : celui de la région parisienne. Tout de même, avec une lunette de 80 mm dotée d’un grossissement de 19 fois, elle était visible comme une petite étoile floue. Sa queue n’était pas visible. Juste sa coma, autrement dit son atmosphère éphémère chargée en poussières.
En remplaçant l’œil par un reflex numérique, j’ai pu la photographier. Le cliché est décevant, après ceux pris par d’autres auparavant (notamment sur cette page !). En additionnant trois images identiques de 2 s de pose à 1600 ISO, c’est un peu mieux. On devine le début de la queue.
Après cette image, sur la monture, j’ai remplacé la lunette par un télescope de 180 mm. Avec un grossissement de 80 fois, l’image était un peu plus lumineuse et confortable à regarder. Là, il était impossible de confondre la comète avec une étoile. Son noyau brillant et ponctuel était entouré d’une nébulosité ronde bien visible. La queue était légèrement perceptible. C’est la seule et unique fois que j’aurai vu la comète.