Osiris-Rex part récolter des échantillons de l’astéroïde Bennu, rocher céleste de 500 m qui coupe régulièrement l'orbite de la Terre. Mais ce n'est pas la première mission de ce type. La sonde japonaise Hayabusa est parvenue à rapporter en 2010 quelques poussières de l'astéroïde Itokawa, et une deuxième sonde, Hayabusa 2, a décollé en décembre 2014 vers Ryugu pour un retour d'échantillons en 2020. Quelle est la spécificité d'Osiris-Rex ?
Patrick Michel : La spécificité est la quantité d’échantillon visée : un minimum de 60 g, contre 1 g ou quelques milligrammes pour Hayabusa 2. Il faut au moins cela pour réaliser toutes les analyses de la matière organique que nous souhaitons faire, sachant que la majorité de l'échantillon sera conservée pour le futur.
La mission japonaise Hayabusa 2, en plus du retour d'échantillon, a d’autres objectifs comme le déploiement de l’atterisseur Mascot du DLR et du Cnes [les agences spatiales allemandes et françaises], ainsi qu'une expérience d’impact à haute vitesse pour produire un cratère sur la surface.
L’autre spécificité d’Osiris-Rex est qu’elle va sur un astéroïde différent, surtout en taille (500 m de diamètre, contre 900 m pour la cible d’Hayabusa 2). La comparaison des deux astéroïdes, qui seront observés en détail avant la prise d'échantillon, doit nous permettre de comprendre comment le comportement de la matière varie dans deux environnements gravitationnels distincts. Cela nous aidera notamment à préparer d’autres missions.
D’ailleurs, il y a une atmosphère de partage exemplaire entre les deux missions. Plusieurs chercheurs sont membres des deux missions (moi-même), et l’idée est d’échanger pendant les opérations sur les deux astéroïdes. En particulier, comme Hayabusa 2 arrivera à destination et déploiera Mascot avant la récolte d’Osiris-Rex, les informations recueillies seront précieuses pour celles prévues avec la sonde américaine.
Nous travaillons tous pour la même cause, la connaissance, le partage du savoir, et c’est formidable de voir des projets internationaux se produire sans esprit de compétition. C’est un message pour tous les terriens qui se partagent la même planète et devraient s’aider pour que tout se passe pour le mieux, car les frontières n’existaient pas avant l’homme, et dans ces deux missions, elles sont aussi très fines !
Quelle est la participation de la France dans la mission ?
Quatre Français sont membres de l’équipe scientifique, soutenus par le Cnes, et ont été sollicités pour leur expertise sur les propriétés physiques des astéroïdes, la modélisation des processus de surface et des processus internes, les propriétés thermiques, les observations spectrales, et les mesures des propriétés physiques et chimiques des échantillons. L’ambiance est extraordinaire, et il n’y a absolument aucune distinction dans l'équipe scientifique entre chercheurs américains et français.
Il y a quelques années, on parlait beaucoup d'un possible débarquement humain sur un astéroïde. Cette perspective est-elle toujours d'actualité ?
La Nasa poursuit actuellement son étude de la mission ARM, qui a pour but de ramener un rocher de la surface d’un astéroïde au voisinage de la Lune avec une mission robot, puis y envoyer des hommes dans une deuxième mission, afin qu’ils apprennent à manipuler des bouts de cailloux dans des conditions de gravité extrêmement faibles. L’étude se poursuit (il y a un appel d’offre pour participer à la suite de cette étude), mais son avenir dépendra probablement des résultats des élections américaines et des objectifs du prochain(e) président(e) concernant le programme humain de la Nasa….
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