Assurément, ce sera « un petit pas » qui comptera pour Jared Isaacman. Quand, au troisième jour de la mission Polaris Dawn, le milliardaire américain sortira de la capsule Crew Dragon en scaphandre pour flotter librement dans l’espace, il accomplira une première : celle de voir un astronaute privé (ou un touriste spatial) accomplir une sortie extravéhiculaire. Même s’il n’est pas certain que ce fait demeure comme « un bond de géant pour l’humanité », ce point d’orgue de la mission qu’il a entièrement financée pour une somme gardée secrète devrait marquer l’histoire de l’espace.
Avec lui, Sarah Gillis deviendra la femme à sortir dans l’espace le plus loin de la Terre, à une altitude voisine de 700 km. Pendant environ deux heures, les deux astronautes non professionnels, mais bien entrainés, testeront pour la première fois le scaphandre mis au point par la société privée Space X. Celui-ci dérive des combinaisons de vol déjà utilisées lors des vols réguliers vers la station spatiale internationale (ISS).
Et pour la circonstance, même si seuls Isaacman et Gillis sortent du vaisseau, les deux autres membres d’équipage, Scott Poteet (pilote) et Anna Menon (spécialiste de mission), seront soumis eux aussi au vide spatial puisque la capsule Crew Dragon, dépourvue de sas, sera entièrement dépressurisée.
Gagner une apogée record
Si tout se passe bien, cette sortie est prévue le jeudi 12 septembre 2024, deux jours après le lancement de la mission qui a eu lieu ce mardi 10 septembre depuis l’aire 39A du centre spatial Kennedy, en Floride. La fusée Falcon 9 a placé la capsule Crew Dragon sur orbite à 11 h 31 au terme d’une ascension de 9 min.
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La première manœuvre de l’équipage doit consister à augmenter considérablement l’apogée du vaisseau pour qu’il atteigne, quelques heures après le décollage, l’altitude record de 1400 km. En effet, à ce jour, aucun engin spatial habité tournant autour de la Terre n’est allé aussi loin, dans une zone parcourue par les ceintures de radiations de la planète (aussi appelées ceintures de Van Allen). Bien entendu, les missions lunaires Apollo ont dépassé cette distance. Et la mission américaine Artemis 2, toujours prévue pour septembre 2025, ira encore plus loin et battra ce record puisque sa trajectoire au-delà de la Lune reviendra à atteindre un apogée très lointain à plus de 400000 km (il n’y aura pas de satellisation autour de la Lune).
De l’exploration ou du tourisme ?
Au cours de la mission, les quatre membres d’équipage doivent mener diverses expériences scientifiques, notamment sur l’impact d’un passage dans les ceintures de Van Allen et sur l’affection oculaire qui touche certains astronautes durant leur séjour en apesanteur. Ils effectueront aussi des expériences de communications via le réseau de satellites Starlink. Et, bien entendu, ils testeront le scaphandre de Space X. Dans sa première version, celui-ci ne dispose pas d’un système de survie autonome. Ce qui signifie que les astronautes seront reliés au vaisseau par un cordon ombilical. À terme, Space X compte disposer d’un scaphandre utilisable pour des missions plus lointaines, par exemple sur la Lune.
Polaris Dawn a été financé par Jared Isaacman, comme il l’avait fait pour sa première mission de deux jours dans l’espace avec Space X, Inspiration 4, en septembre 2021. Il a également acheté deux autres missions Polaris : une avec une capsule Crew Dragon et une autre qui devrait en théorie consister dans le premier vol habité à bord d’un vaisseau Starship.
Si l’expérience du milliardaire en matière de vols habités ne fait plus de doute, son activité doit-elle être considérée comme de l’exploration ou encore, tout simplement, comme du tourisme spatial ? Le déroulement et l’héritage laissé par ses missions le diront.