L’entreprise Rocket Lab a rempli son objectif : contrôler la rentrée atmosphérique de l’un de ses engins. Dans la nuit du 6 décembre 2019, le premier étage de sa petite fusée Electron s’est éteint puis s’est décroché comme prévu, 2 minutes et 30 secondes après le décollage. À 80 km d’altitude, il a entamé sa descente en direction de l’atmosphère qu’il lui fallait traverser une seconde fois, de haut en bas.
Mais cette fois-ci, contrairement à ses précédents tirs, il n’a pas été laissé à l’abandon. À son bord, des systèmes de guidage et de navigation se sont actionnés. Pilotés par un ordinateur embarqué, ils ont alors orienté le cylindre de 12 m de long en position verticale, puis ont maintenu cette position pendant le freinage brusque causé par l’atmosphère. Enfin, l’engin a terminé sa course dans l’océan au large de la Nouvelle-Zélande, près de la péninsule Mahia d’où il a décollé.
Dans les derniers kilomètres de sa chute, pas de rétropropulsion. L’étage inférieur d’Electron s’est crashé comme convenu, mais après avoir récolté des mesures de télémétrie précieuses pour Rocket Lab. Détentrice de ses données, l’entreprise du PDG Peter Beck — qui s’était illustré en envoyant une boule disco dans l’espace — a mis un pied dans le monde des fusées réutilisables. Un objectif qu’elle vise en 2020.
Baptisée « Running out of fingers », car c’est la dixième fusée lancée par Rocket Lab et donc la dernière que l’on puisse compter sur les doigts, la mission est parvenue à franchir ce que Peter Beck surnomme « le mur ». À savoir, descendre sans encombre d’une vitesse de Mach 8,5 (soit 2,3 km/s) à Mach 0,01 en 70 secondes. Une phase critique pendant laquelle la température ambiante grimpe jusqu’à 3000 °C.
Une fois le mur passé, les missions futures prévoient l’ouverture d’un parachute pour finir de freiner la chute d’Electron. Puis, comme le ferait un pêcheur à la ligne, un hélicoptère devra intercepter la structure, qui pèse une tonne lorsqu’elle est vidée de son carburant. C’est en tout cas le scénario qu’a avancé Rocket Lab en août 2019, quand elle a annoncé sa volonté d’intégrer le monde privé des fusées réutilisables. Aujourd’hui, seules les entreprises Space X et Blue Origin sont capables de récupérer le premier étage de leurs lanceurs.
Tireur d’étoiles filantes à bord
Dans l’espace, le deuxième étage de la fusée Electron a quant à lui continué sa route jusqu’à une orbite circulaire inclinée de 97° à 400 km d’altitude. En deux temps, il a placé sur orbite les sept satellites commerciaux qu’il transportait. Outre six nanosatellites, ALE-2 a ainsi été lancé. Il s’agit du deuxième satellite de l’entreprise japonaise Star-ALE, qui souhaite produire des étoiles filantes artificielles. Le réservoir d’ALE-2 contient 400 petites billes qui seront tirées en direction de l’atmosphère. En y pénétrant, ces sphérules se consumeront en traînées lumineuses visibles depuis le sol. Star-ALE espère réaliser courant 2020 le premier spectacle d’étoiles filantes à la demande.