Il était 23 h 28, ce 16 janvier 2021, quand les quatre moteurs RS-25 du premier exemplaire du Space Launch System (SLS) ont rugi ensemble sur le banc B2 du centre spatial Stennis de la Nasa, dans le Mississippi. L’essai, initialement prévu au printemps 2020, avait commencé normalement. Les réservoirs de l’étage principal cryogénique de la fusée lunaire américaine étaient pleins d’hydrogène et d’oxygène liquides. Ils devaient permettre une combustion des moteurs pendant un peu plus de 8 minutes, correspondant à la durée de propulsion lors d’un lancement. Mais au bout de 50 secondes, un « composant majeur défectueux » a été annoncé sur le moteur numéro 4. Les quatre moteurs ont toutefois continué à fonctionner jusqu'à ce que l'un d’eux s'arrête prématurément au bout de 1 minute et 7 secondes, entrainant l'arrêt des trois autres dans la foulée (effectif après 1 mn 22 s).
Si la Nasa, par la voix d’Alex Cagnola, ingénieur sur le SLS, a indiqué avoir obtenu beaucoup d’informations importantes avec ce test, les opérations ont été stoppées avant que ne commencent les manœuvres d’orientation des tuyères qui sont nécessaires pour conserver la fusée sur la bonne trajectoire pendant sa phase d’ascension initiale. Pour valider cette étape importante, il aurait fallu que la phase de combustion dure au minimum 2 minutes et demi.
Cet étage principal doit être assemblé à deux énormes propulseurs à poudre pour constituer la première fusée SLS, censée décoller en novembre 2021 du Kennedy Space Center, en Floride. Son rôle est d’expédier une capsule Orion sans équipage autour de la Lune lors de la mission Artemis 1. Toutefois, la Nasa peut-elle décider d’expédier cet étage principal en Floride sans avoir réalisé un test statique complet ? Lors de la conférence de presse donnée moins de deux heures après l'essai, Jim Bridenstine, l'administrateur de la Nasa, a indiqué que l'étude des données récoltées permettront de décider s'il est nécessaire de procéder à un nouvel essai ou s'il est possible de transférer la fusée au Kennedy Space Center en vue de son lancement.
À ce stade, les raisons de l'arrêt ne sont pas connues précisément. Les moteurs ne semblent pas avoir été endommagés, seulement une protection thermique sur le moteur 4. Jim Bridesntine a déclaré en répondant aux questions des reporters sur place : "Ce n'est pas un échec, c'est un test."
Pour que la première mission du programme Artemis ait lieu avant la fin de 2021, il faudrait idéalement que cet étage soit transferé en Floride en février. Or, si un nouveau test doit être effectué, ce programme risque fort de ne pas être tenu.
Mise à jour du 19 janvier 2021
Dans un communiqué, la Nasa a fourni quelques détails sur l'essai statique du 16 janvier. Ainsi, il apparaît que le "composant majeur défectueux" détecté sur le moteur n°4 n'est pas à l'origine de l'arrêt prématuré survenu au bout d'un peu plus d'une minute. Il s'agissait d'un problème d'instrumentation malgré lequel le test pouvait se poursuivre. L'arrêt a été provoqué par un défaut hydraulique sur les actuateurs qui gouvernent l'orientation du moteur n°2. Ce système d'actuateurs, qui équipe chacun des quatre moteurs, sert à modifier l'orientation des tuyères pour garder la fusée sur sa bonne trajectoire durant son ascension. Dans le cas d'un essai statique, les règles de sécurité sont encore plus sévères que lors d'un lancement. Et l'ordinateur central avait pour mission d'arrêter ls moteurs en cas de défaillance sur ces actuateurs. En vol, une unité de secours aurait pris le relais et la fusée aurait poursuivi sa course. Enfin, les couvertures thermiques des moteurs ont été légèrement endommagées mais elles ont parfaitement remplie leur office, la température de chacun des moteurs étant restée en deçà de la limite maximale. Malgré ces précisions, la Nasa n'est pas encore en mesure de dire si un nouvel essai statique doit être réalisé où si celui qui a eu lieu suffit pour commencer les préparatifs du premier lancement.