Solar Orbiter, la nouvelle mission d’observation du Soleil de l’Agence spatiale européenne (ESA) et de la Nasa lancée le 10 février 2020 a livré sa première moisson d’images. Elles révèlent des phénomènes jamais vus auparavant : des éruptions solaires miniatures surnommées « feux de camp » (campfires en anglais) sur la couronne solaire.
Ces feux de camp ont été observés par la caméra de Solar Orbiter sensible au rayonnement ultraviolet, l’Extreme Ultraviolet Imager (EUI) entre le 30 mai et le 21 juin 2020, lorsque la sonde se trouvait à 77 millions de kilomètres de notre étoile (environ la moitié de la distance Terre-Soleil).
Sur cette image ultraprécise de la sonde Solar Orbiter, la flèche blanche indique l'emplacement d'un des "feux de camp", ces mini-éruptions qui pourraient être la clé du chauffage de la couronne solaire. Le cercle blanc indique la taille de la Terre, à l'échelle.
Des feux de camp, clés du mystère de la couronne solaire
Des millions, voire des milliards de fois plus petits que les éruptions solaires géantes, observables depuis la Terre, ces mini-éruptions sont néanmoins omniprésentes. Les chercheurs estiment donc qu’elles pourraient être la clé d’une énigme sur laquelle les physiciens solaires planchent depuis des décennies : pourquoi la couronne du Soleil est beaucoup plus chaude que sa surface : 1 million de degrés, contre 5500°C ? “Logiquement, plus on s’éloigne d’un radiateur, plus il doit faire froid. Et dans le cas du Soleil (mais aussi des étoiles de type solaire), il se produit l’inverse : il fait tout de suite beaucoup plus chaud !” explique Frédéric Auchère, de l’Institut d'astrophysique spatiale (IAS), France, coinvestigateur principal de EUI.
“Le physicien solaire Eugene Parker (qui a donné son nom à la sonde solaire américaine Solar Parker Probe, lancée en août 2018) a émis l’hypothèse qu’un grande quantité de mini-éruptions pouvait expliquer l’intense chauffage de la couronne solaire”, rappelle Daniel Muller, directeur scientifique de la mission, lors d’une conférence de la conférence de presse en ligne organisée par l’ESA ce 16 juillet.
Ces mini-éruptions seraient provoquées par des reconnexions entre les lignes de champ magnétique, ce qui chaufferait localement le plasma. “Pris un par un, ces campfires sont insignifiants, mais si on les additionne, ils constituent peut-être la principale contribution au chauffage de la couronne solaire, explique Frédéric Auchère. De la même manière, en allumant une seule allumette, vous ne vous réchauffez pas, mais si vous en allumez des milliers, vous obtenez un bon chauffage.”
Le Soleil, ausculté plus finement que jamais
Si Solar Orbiter a réussi à voir ces feux de camps, larges de seulement quelques kilomètres à quelques centaines de kilomètres (soit très petits rapportés à la taille colossale du Soleil), c’est parce que c’est la première sonde qui embarque si près de notre étoile des télescopes si puissants. “La sonde de la Nasa SDO embarque certes des instruments puissants, mais elle reste en orbite terrestre, elle est donc loin du Soleil, précise Frédéric Auchère. Quant à Parker Solar Probe, elle est trop proche pour embarquer le moindre télescope. Solar Orbiter est donc un très bon compromis !”
Cette vidéo combine les premières données obtenues par Solar Orbiter entre le 30 mai et le 21 juin 2020, alors que la sonde se trouvait à la moitié de la distance Terre-Soleil. Jusqu'à 0,40 s, les gros plans révèlent la présence des "feux de camp" qui constellent la couronne solaire.
Le scénario des feux de camp pour expliquer le chauffage de la couronne doit encore être confirmé par la prochaine campagne d’observation. Actuellement, Solar Orbiter se trouve à la moitié de la distance Terre-Soleil. Elle va désormais s’éloigner pendant plusieurs mois de notre étoile, avant de s’en rapprocher à nouveau et d’atteindre en mars 2022 son point le plus proche : 42 millions de kilomètres, soit seulement un quart à un tiers de la distance Terre-Soleil. “La résolution des images sera alors quatre fois meilleure”, prévoit le chercheur.
En tout, Solar Orbiter embarque six instruments de télédétection, ou télescopes, qui observent le Soleil ainsi que quatre instruments qui surveillent l’environnement autour de la sonde.
Parmi eux, l’Imageur polarimétrique et héliosismique (PHI) doit surveiller les régions actives du Soleil en réalisant des images à haute résolution des lignes de champ magnétique, où naissent les éruptions solaires et d’où jaillit le vent solaire, capables d’endommager les réseaux de communications en orbite terrestre et au sol. Parce qu’il n’a pas le même angle de vue qu’un observateur terrestre, Solar Orbiter sera en mesure d’observer des régions actives invisibles depuis la Terre, une première.