Sortie en salles de Moonfall : gare à la chute de navet !

Moonfall sort en salles le 9 février 2022. © Metropolitan Film
La Lune menace de percuter la Terre ! Le nouveau film de Roland Emmerich, en salles le 9 février, met en jeu un cataclysme cosmique plutôt original. Las ! il enchaîne clichés grotesques et incohérences, même pour les fans d’aventures spatiales.

Spoil alert : à la fin, enorgueillis d’avoir sauvé le monde de justesse, le héros beau gosse et l’héroïne sublime grimpent au sommet d’une montagne. De là, ils contemplent le soleil qui brille à nouveau dans le ciel alors qu’il y a quelques minutes encore, il y pleuvait des montagnes et des boules de feu. Devant tant de beauté et de sérénité retrouvées, ils s’échangent clins d’œil et phrases profondes du genre : « On forme une bonne équipe quand même ! » Les plus perspicaces d’entre nous devineront qu’ils vont bientôt fêter leur victoire sous la couette. Puis, sur fond de violons, ils courent dans les bras de leurs proches qui viennent de débarquer en hélico. Ouf, tous — ou presque — ont survécu au chaos.

Ainsi se termine Moonfall, le film catastrophe de Roland Emmerich qui sort en salles ce 9 février 2022. Le réalisateur est un spécialiste du genre : on lui doit, entre autres, Independence Day, Godzilla, Le Jour d’après et 2012. Dans sa nouvelle production, le cataclysme est provoqué par la Lune qui, un beau jour, change brusquement d’orbite pour foncer droit sur la Terre. C’est qu’en fait notre satellite serait l’œuvre d’une autre civilisation…

Moonfall sort en salles le 9 février 2022. © Metropolitan Film
Oh, oh, elle est pas un peu près, la Lune, là ? © Metropolitan Film

L’astronaute Brian Harper (interpreté par Patrick Wilson) avait bien pourtant expliqué à la Nasa qu’un phénomène étrange avait provoqué une catastrophe en chaîne et coûté la mort de son coéquipier lors de sa dernière mission de navette. Mais personne ne l’avait écouté… Tout comme le geek à tendance complotiste KC Houseman (John Bradley), qui n’avait cessé de clamer que la Lune était en fait une mégastructure. Si seulement ils avaient été entendus, la Lune ne serait peut-être pas en train de se diriger vers la Terre et de provoquer, à mesure qu’elle s’approche, tsunamis titanesques, tremblements de terre et autres décollements de montagnes. Mais vous vous en doutez : les deux visionnaires vont se trouver et faire équipe, car eux seuls sont en mesure de sauver la planète.

Nanar de science-fiction à grosses ficelles

Avec Moonfall, Roland Emmerich utilise de manière plus assumée que jamais la recette du nanar de science-fiction à grosses ficelles. Il y a tout : une happy end dégoulinante de guimauve donc ; la succession de paysages apocalyptiques ; les gentils héros en conflit avec leurs proches au début du film, mais qui vont rattraper le temps perdu une fois l’humanité sauvée ; les gros méchants à l’air patibulaire qui profitent du chaos pour braquer tout le monde ; et surtout les tirades pleines de courage et de bons sentiments — « I’m gonna get you home! », « I did not come this far to fail! », « Let’s fight for the people on Earth! », et j’en passe. Il n’aurait pas fallu pousser beaucoup plus loin le cliché pour que l’on verse dans la parodie. Mars Attacks et Space Balls ne sont jamais très loin. Hélas, même si quelques rares dialogues font sourire, on ne quitte jamais le premier degré et le bain de testostérone.

Moonfall sort en salles le 9 février 2022. © Metropolitan Film

Moonfall sort en salles le 9 février 2022. © Metropolitan Film
Bon, là, c’est sûr : il va falloir aller sauver la planète ! © Metropolitan Film

Un hommage (lointain) à Freeman Dyson ?

La Lune qui cache une mégastructure, voilà qui était pourtant un intéressant pitch de départ. Roland Emmerich a probablement puisé son inspiration dans les sphères de Dyson. Théorisées par le physicien Freeman Dyson en 1960, ces structures d’astro-ingénierie imaginaires entourent une naine blanche et en captent l’énergie pour faire fonctionner une biosphère. Son personnage de KC Houseman est peut-être même inspiré de l’astrophysicien soviétique Iossif Chklovski qui, en 1958, émit l’hypothèse que le satellite de Mars Phobos était un gigantesque vaisseau spatial, son orbite et sa densité étant trop étranges pour être naturelles…

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Ciel & espace 581 de février-mars 2022. Dossier spécial SETI. © C&E

Bonne idée donc. Mais dès le début du film, on comprend qu’elle ne sera pas vraiment exploitée avec finesse. Passé une scène d’ouverture plutôt réussie — mais peut-être parce qu’elle est largement inspirée de celle de Gravity, le charme de Clooney en moins ? —, on subit une cacophonie de courtes séquences mal réalisées destinées à nous planter le décor : c’est l’impasse, la Lune va impacter la Terre dans trois semaines / le héros déchu s’est séparé de sa femme et son fiston est devenu une racaille / son ancienne coéquipière Jo Fawler (Halle Berry) a pris du galon à la Nasa et son ex-mari n’est autre que le directeur de l’US Air Force, à la tête d’une bande de militaires qui frétillent d’impatience de faire péter leur bombe nucléaire « sur ce foutu truc »...

Puis très vite, on plonge carrément dans la farce. Extrait, aux trois quarts du film : la Lune est désormais entrée dans l’atmosphère, les océans s’évaporent et la croûte terrestre se décolle, ça ne va pas fort pour la planète. Au centre spatial Vanderberg, les héros sont pourtant bien partis pour sauver le monde. Pour anéantir la Lune-vaisseau, ils ont récupéré la navette Endeavour rangée au musée et l’ont installée sur un pas de tir en un tournemain. Mais malheur ! Un rocher la heurte et brise l’un de ses moteurs. Forfait ? Que nenni : « Brian, penses-tu pouvoir piloter la navette avec un moteur en moins ? Nous avons 28 minutes pour réussir ! »

Moonfall sort en salles le 9 février 2022. © Metropolitan Film
C’est bien connu : rien n’arrête la navette ! © Metropolitan Film

Après de tordants adieux à leurs enfants (« Mon fils, sois courageux, maman s’en va sauver la planète », j’en rajoute à peine), les deux astronautes et leur ami complotiste qui prend une revanche sur la vie en allant dans l’espace grimpent dans la navette. La gravité est censée être complètement chamboulée, mais ce n’est pas grave : Endeavour, un moteur en moins, décolle tranquillement, juste à temps pour ne pas être engloutie par un mégatsunami…

Un peu comme James Gray avec Ad Astra, Roland Emmerich nous sert là une succession d’invraisemblances si grotesques que l’on ne parvient jamais à se laisser emporter par l’histoire. Et le piètre jeu de la plupart des acteurs n’aide pas. À côté, son Independence Day, certes suintant de patriotisme et constellé de clichés, était plutôt réussi : l’histoire se tient, le suspense nous accroche, Will Smith et Jeff Goldblum nous font rire.

Ce que l’on peut néanmoins concéder à Emmerich, c’est que contrairement à Gray, il ne prétend aucunement au film d’auteur. Il assume sa proposition : un blockbuster aux spectaculaires images d’apocalypse à regarder sur une plateforme de VOD les jours où nos neurones sont en grève (ça nous arrive à tous).

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