Il y a un nouveau cratère à la surface de l’astéroïde Ryugu, et celui-ci ne doit rien aux débris de roches et de glaces qui sillonnent le système solaire. Cette nuit (en fin de matinée heure de Tokyo), la sonde japonaise Hayabusa 2 a tiré un petit bolide de 2 kg sur l’astéroïde Ryugu. Une opération complexe -- comme nous le confiait le responsable scientifique de la mission au moment du lancement --, en trois temps, destinée à la fois à comprendre le mécanisme de formation des cratères sur un petit astéroïde et à observer sa sous-surface, préservée du rayonnement solaire.
« La façon dont les cratères se forment sur les petits astéroïdes – où la résistance mécanique et la gravité sont très différentes de celles d’une planète – peut avoir de grandes conséquences sur l’estimation de leur age. Aujourd’hui, pour cela, on compte les cratères : plus il y en a de petits et plus la surface est réputée jeune, les gros cratères étant censés s’être formés tôt, lorsqu’il existait encore beaucoup de gros objets en circulation. Si on s’aperçoit que de petits projectiles peuvent former des gros cratères, notre règle de calcul devra changer » explique l’astrophysicien Patrick Michel (Observatoire de la Côte d’Azur).
Seul non-européen présent dans la salle de contrôle pendant les opérations, il y décrit une ambiance « tendue » lorsque successivement, Hayabusa 2 a largué à 500 m de la surface le Small Carry-on Impactor (SCI) – dispositif explosif qui allait propulser le bolide –, puis une demi-heure plus tard la caméra destinée à filmer l’événement : l’explosion de la charge de 10 kg dans l’espace et l’impact à 7200 km/h de la petite masse de 2 kg sur l’astéroïde.
« Le centre de contrôle a rapidement reçu des images du déploiement du SCI. Puis nous avons reçu l’information selon laquelle la sonde avait rejoint sans encombres sa zone de sécurité, d’où elle pouvait capter les données de la caméra sans être atteinte par les débris de l’explosion ou de l’impact » reprend le chercheur. L’opération, inédite, ne devait surtout pas mettre en danger la sonde. « Elle embarque les échantillons récoltés le 21 février, un trésor qu’il ne faut absolument pas risquer de perdre ! »
La caméra larguée par Hayabusa 2 a pris 30 images chaque seconde avant l’impact et 30 autres au même rythme après l’impact. Les images à haute résolution qui permettront de déterminer la taille du cratère arriveront dans les prochains jours, mais une vue à basse résolution – qui montre clairement le jet de matière éjecté – confirme le succès de l’opération.
Hayabusa 2, elle, ne reviendra photographier le site que dans deux semaines, le temps nécessaire pour s’assurer qu’aucun débris ne flotte encore dans la zone.