Le 13 décembre 1972, alors que Gene Cernan pose fièrement sur la Lune devant un tube de carottage qu’il vient d’enfoncer dans le régolite, l’astronaute plaisante : « Le long tube est scellé et je suppose que personne ne sait ce qu’il y a dedans sauf moi. » En effet, jusqu’au 5 novembre 2019, personne à part lui n’avait vu sa récolte de sol lunaire. Car cet échantillon, collecté tout près du petit cratère Ballet, exactement sur une faille appelée plus tard Lincoln-Scarp, a été scellé et mis de côté jusqu’à ce que les techniques d’investigation aient suffisamment progressé. C’est chose faite. Et ce 5 novembre, presque 47 ans plus tard, une équipe de scientifiques a enfin ouvert le trésor lunaire au centre spatial Johnson, au Texas.
Une étude en vue du programme Artemis
L’opération a été décidée car une technique d’étude non destructive mise au point depuis les missions Apollo va permettre d’analyser la composition de cette « tranche napolitaine » de sol lunaire collectée par Cernan. L’ouverture du précieux butin intervient dans le cadre du nouveau programme lunaire américain, Artémis, censé permettre à des astronautes de marcher sur la Lune à partir de 2024. Cette initiative, appelée Apollo Next-Generation Sample Analysis, doit permettre d’observer ces vieux échantillons en imagerie en trois dimensions et de savoir en détail de quoi ils sont faits grâce à un spectromètre de masse à haute résolution.
De très vieilles roches lunaires ?
Les quelques dizaines de grammes de sol lunaire récupérées par Gene Cernan ne manquent pas d’intérêt. L’astronaute se trouvait en effet sur un sol clair, non loin d’une montagne du bord de la vallée Taurus-Littrow, claire elle aussi. Et il est fort probable que ce matériau ait glissé du flanc de la montagne, à la manière d’une avalanche, après un impact météoritique. Or, un peu plus tôt au cours de leur exploration, Gene Cernan et Harrison Schmitt avaient collecté une roche venant elle aussi de la montagne et qui est la plus vieille ramenée de la Lune : 4,6 milliards d’années. Il est donc possible que ce carottage contienne lui aussi des fragments de roches très anciens.
Concevoir les outils d’Artemis
L’étude de cet échantillon, connu comme le numéro 73002, va aussi servir à comprendre comment les outils des missions Apollo fonctionnaient, et ainsi concevoir au mieux ceux qui équiperont les équipages d’Artemis.
Gene Cernan n’est désormais plus le seul à savoir ce que contenait le tube de carottage, dont il montrait fièrement le bout à la caméra de télévision du rover juste après l’avoir extrait. Hélas, l’astronaute, décédé en janvier 2017, ne saura jamais quels trésors recélait sa récolte.
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le magazine Ciel & espace n°568, de décembre 2019-janvier 2020
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