Une nouvelle explication pour résoudre le mystère du méthane martien

Dans le cratère Gale, vu par Curiosity. Crédit : NASA/JPL-Caltech/MSSS/Thomas Appéré
Une équipe de chercheurs propose un nouveau modèle atmosphérique afin de trancher la question de la présence de méthane sur la planète rouge.

Assistons-nous au dénouement de l’affaire du méthane martien ? C’est en tout cas l’espoir de John Moores (Université de York, Toronto). Si l’on en croit l’étude qu’il a publiée le 20 août 2019 à la tête d’une collaboration internationale d’astronomes et climatologues, le débat sur la présence ou non de méthane dans l’atmosphère de Mars est clos.

Il avait culminé ces derniers mois avec la mesure du méthane réalisé par le rover Curiosity à la surface de la planète rouge, alors même que la sonde Trace Gas Orbiter (TGO), pourtant ultrasensible, n’en trouvait aucune trace. Lequel de ces deux instruments se trompait ?

Cycle jour-nuit

« Aucun », répondent en substance John Moores et ses collègues dans la revue Geophysical Research Letters. Selon les chercheurs, si TGO, depuis l’orbite, ne mesure pas les mêmes concentrations que Curiosity, au sol, c’est en raison d’un cycle journalier de l’atmosphère martienne. Le jour, celle-ci s’agite et, ce faisant, dilue le méthane au point de rendre sa concentration trop faible pour être détectée. La nuit, la couche la plus basse de l’atmosphère s’effondre. Comme capturé dans un volume plus faible, la concentration en méthane grimpe alors suffisamment pour que le spectromètre laser de Curiosity en mesure la présence.

D’après John Moores, l’agitation atmosphérique accrue en journée accélérerait également le procédé de disparition du méthane proposé par Svend Knak Jensen (université d’Aarhus, Danemark) en 2014 : le tumulte diurne dans l’air martien favoriserait les rencontres entre molécules et particules de poussière en suspension. Celles-ci étant capables d’absorber le méthane, le gaz serait « consommé » à faible altitude et donc inexistant dans les hautes couches de l’atmosphère, que sonde spécifiquement TGO. Un processus toutefois sujet à débats au sein de la communauté des climatologues martiens.

La sonde Trace Gas Orbiter (vue d'artiste). © Nasa

Pour Franck Montmessin, chercheur au Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (université Paris Saclay), le mécanisme d’alternance jour-nuit proposé par John Moores n’est pas non plus totalement convaincant : « C’est très louable de tenter de concilier les différentes observations, mais la publication omet des sources pourtant importantes d’agitation atmosphérique nocturne, objecte le spécialiste du climat martien. Il existe par exemple de vigoureux vents de pente dans les zones à fort relief comme le cratère Gale [où Curiosity s’est posé le 6 août 2012, NDLR]. »

Le temps presse

Quoi qu’il en soit, le temps est compté pour les scientifiques qui souhaiteraient trancher la question. Le rover Curiosity escalade actuellement le mont Sharp, au centre du cratère Gale. Et plus il grimpe, plus la détection de méthane chute : déjà de moitié d’après les travaux de Christopher Webster (Nasa) en 2018. Pis, les futurs rovers martiens sont dépourvus d’instruments spécifiquement sensibles au méthane. « L’objectif numéro 1 des prochaines missions vers Mars est le retour d’échantillons. Tous les efforts sont déployés dans cette direction, au point de considérer certaines expériences périphériques comme presque contre-productives », confirme Franck Montmessin.

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