Des centaines d’amateurs et amatrices d’astronomie se sont mobilisés pour l’obtenir. Voici, pour la première fois, la forme de l’astéroïde Eurybate. Le vendredi 11 novembre 2022, aux Rencontres du ciel & de l’espace à la Cité des sciences et de l’industrie, l’astronome Franck Marchis a dévoilé les contours de l’objet situé sur l’orbite de Jupiter. Sa silhouette a été obtenue grâce à une grande moisson de données récoltées en France et en Europe, dans la nuit du 22 au 23 octobre 2022. Autour de 4h du matin, plus de 320 télescopes, lunettes et appareils photos numériques étaient déployés dans ce but. Des îles Canaries jusqu’au nord de la Suède.
Points blancs : observations empêchées par les nuages
Verts : occultations détectées
Rouges : l’étoile ne disparait pas (pas d’occultation)
Bleus : analyses non concluantes
Les participants, pour l’immense majorité des astronomes amateurs et amatrices, ont surveillé la disparition d’une étoile devant laquelle l’astéroïde devait passer. En chronométrant cette extinction, certains ont permis aux astronomes Josselin Desmars (observatoire de Paris) et Arnaud Leroy (Uranoscope) d’employer la technique des occultations stellaires. Et de reconstruire a posteriori la forme d’Eurybate. Son profil indique une taille de 72 km par 64 km. Le long d’un de ses bords, une double occultation (double disparition de l’étoile) suggère un astéroïde de forme concave.
15 km plus à l’ouest
Tandis que se poursuit l’examen de ces résultats, l’observation collective d’Eurybate a aussi livré la trajectoire réelle de l’astre dans le ciel. Dans la nuit du 23 octobre 2022, son « ombre » est passée au-dessus de la France avec 8 secondes de retard et 15 km plus à l’ouest que ce qui était prévu. « Eurybate est resté dans la barre d’erreur à 1 sigma [plage dans laquelle l’astéroïde avait 68% de chance de passer, NDLR], analyse Josselin Desmars. Grâce à ces mesures, cette plage d’incertitude qui valait environ 23 km va être réduite à quelques kilomètres à peine. » C’est avec ce niveau de précision qu’est dorénavant connue la position d’Eurybate sur la voûte céleste.
Une information utile pour la sonde américaine Lucy, qui voyage actuellement vers Eurybate qu’elle doit survoler en 2027. « En combinant la forme d’Eurybate et sa magnitude [son éclat, connu par ailleurs], on peut en déduire son albédo [à quel point est-il sombre], ce qui est utile pour mieux calibrer les caméras de Lucy », ajoute Josselin Desmars.
Une immense campagne d’observation
« Ce qui est certain c’est que, sans le grand appel à participation lancé par l’Association française d’astronomie (AFA), on n’aurait pas pu obtenir pareil résultat », souligne Arnaud Leroy. Le 15 juin 2022, l’AFA avait fait d’Eurybate l’objet d’une immense campagne de science participative et convié astronomes, débutants comme chevronnés. Avec le renfort de professionnels et de membres de la Société astronomique de France, « tout le travail de mobilisation a permis de réunir un grand effectif et de faire face à une météo très défavorable », ajoute le spécialiste des occultations. Ce n’est que dans les trouées nuageuses que l’occultation a été vue le 23 octobre 2022.
Au total en Europe, 18 occultations positives (dont une sans chronométrage) ont été rapportées. Ce sont elles qui ont permis de tracer les cordes interrompues sur le profil d’Eurybate. Quarante-quatre occultations négatives (étoile observée sans disparaître) ont permis de contraindre la taille et la trajectoire de l’astéroïde. Au moins 256 tentatives d’observation ont été empêchées par les nuages ou par des problèmes techniques. À ce jour, un total de 318 stations d’observation a été recensé. L’AFA a reçu 246 rapports d’observation.