Le journal de bord de Thomas Pesquet (13)

Entraînement dans le simulateur du vaisseau russe Soyouz. © GCTC
L'astronaute Thomas Pesquet deviendra en novembre 2016 le dixième Français à voler dans l'espace. Chaque mois, il raconte les coulisses de son entraînement aux lecteurs de « Ciel & Espace ». Découvrez le quotidien de celui qui s'apprête à vivre six mois sur orbite à bord de la station spatiale internationale (ISS).

Épisode 13 : Un éléphant sur la poitrine

« Je suis actuellement en Russie pour passer mes derniers examens de pilotage du Soyouz. Depuis ma venue au salon du Bourget à la mi-juin, j'ai séjourné une semaine au centre des astronautes de l'ESA, à Cologne, puis j'ai pris deux semaines de vacances !

À Cologne, j'ai essentiellement travaillé sur la préparation des activités scientifiques du vol d'Andy [Andreas Mogensen, NDLR], dont je suis la doublure. Il doit partir le 1er septembre 2015 pour dix jours à bord de l'ISS. Sur orbite, un astronaute consacre 50% de son temps à la science, ce qui est un bon rendement compte tenu de toute la logistique qu'il faut assurer. Lorsqu'il n'y avait que trois astronautes permanents à bord de l'ISS, la maintenance de la station occupait 75% du temps.

Je n'ai pas pu suivre tout l'entraînement d'Andy sur les missions scientifiques — j'ai aussi ma propre mission à préparer —, mais je peux vous dire qu'il sera très occupé ! Entre autres, il devra tester une combinaison type « seconde peau », censée éviter l'élongation de la colonne vertébrale (beaucoup d'astronautes se plaignent de mal de dos après une mission en apesanteur), piloter depuis la station un minirobot sur Terre, étudier les orages, etc.

Un peu de robotique à l'Estec ! Crédit : Thomas Pesquet
Un peu de robotique à l'Estec ! © Thomas Pesquet

Jeudi 23 juillet, je vais passer à Moscou mon examen sur la rentrée atmosphérique de la capsule Soyouz en pilotage manuel. Malgré sa forme, la capsule est « pilotable » dans une certaine mesure puisqu'elle a une portance. On peut modifier cette portance, et donc son angle de pénétration dans l'air, en agissant sur le roulis. Le but est d'arriver à bon port sans dépasser des freinages de 5 à 6 g.

Seule solution : respirer avec le ventre

Comme on tourne le dos au bouclier thermique et à la Terre pendant la descente, on a un peu l'impression d'avoir un éléphant sur la poitrine pendant le freinage ! On apprend à respirer avec le ventre. Car c'est impossible alors avec la cage thoracique. Il est difficile aussi de garder sa lucidité. La situation la plus délicate, cela dit, c'est quand on ne peut même plus piloter la capsule et qu'on est obligé de lui imprimer une rotation pour la stabiliser pendant sa chute. Là, on se retrouve dans une lessiveuse ! Le risque est de perdre connaissance, faute d'une bonne irrigation du cerveau.

Entraînement à la Cité des étoiles, près de Moscou. © T. Pesquet

Sinon, j'ai bien sûr suivi le survol de Pluton la semaine dernière ! Certaines personnes opposent parfois l'exploration robotique du Système solaire et les vols habités. Pour moi, c'est un non-sens. Il est évident que des sondes sont indispensables avant d'envoyer des hommes sur une planète. Et il est tout aussi évident qu'avec des humains, capables de prise de décision rapide, le retour scientifique d'une mission d'exploration serait bien supérieur.

J'adorerais aller sur Mars, mais dans les vingt-cinq ans de carrière qu'il me reste, ça risque d'être difficile. En revanche, pour la Lune, rien n'est joué. D'autant que le nouveau directeur de l'ESA parle beaucoup d'un retour sur la Lune ces temps-ci... »

 

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